Liliane Bettencourt, milliardaire spoliée France
Seul l’ex-ministre Eric Woerth sort blanchi des deux procès pour «abus de faiblesse»
Liliane Bettencourt, femme la plus riche de France et dixième fortune mondiale, a donc bien été abusée par ceux qui prétendaient s’occuper d’elle et servir ses intérêts. Rendus jeudi à Bordeaux, où les procès avaient été délocalisés, les verdicts des deux volets de «l’affaire Bettencourt» («abus de faiblesse» et «trafic d’influence») jugés en février et mars dernier ont confirmé la culpabilité de la plupart des prévenus.
Symbole de cet aréopage mal intentionné, le peintre-photographe-écrivain François-Marie Banier est condamné à 3 ans de prison (dont 6 mois avec sursis), 350 000 euros d’amende et l’obligation de rembourser 158 millions d’euros à la première actionnaire du groupe de cosmétique L’Oréal, dont la fortune est estimée à près de 40 milliards d’euros. Sont également condamnés l’ex-gestionnaire de fortune de la milliardaire, Patrice de Maistre (30 mois de prison dont 12 avec sursis, 250 000 euros d’amende et 12 millions à rembourser), le compagnon de François-Marie Banier, Martin d’Orgeval, et l’avocat Pascal Wilhelm. Seul l’ancien ministre UMP Eric Woerth sort blanchi. Accusé d’avoir conclu un accord avec Patrice de Maistre, qui avait embauché son épouse, l’ancien trésorier de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy est relaxé.
Au-delà des peines prononcées, contre lesquelles les prévenus ont décidé de faire appel, ces condamnations sévères donnent a poste- riori raison à celle qui a tout déclenché: la fille unique de Liliane Bettencourt, Françoise Meyers-Bettencourt – qui assure depuis 2012 la tutelle de sa mère âgée de 92 ans –, a toujours estimé que la nonagénaire n’avait plus ses facultés à la mort de son mari, l’ex-ministre André Bettencourt, en octobre 2007.
Investissements et cadeaux
A partir de cette date, la résidence de la milliardaire à Neuillysur-Seine avait commencé à être le théâtre de nombreuses visites de personnalités françaises désireuses de lui proposer des «investissements», ou promptes à la divertir en échange de «cadeaux». Le producteur de télé-réalité Stéphane Courbit avait ainsi réussi à la con- vaincre d’investir 153 millions d’euros dans son entreprise. Une somme qu’il s’est ensuite engagé à rembourser, échappant à une mise en examen. L’ancien président Nicolas Sarkozy avait aussi, un temps, été dans le collimateur des juges, qui soupçonnaient un financement illégal. Mis en examen pour «abus de faiblesse», ce dernier a bénéficié d’un non-lieu.
La milliardaire ne s’était pas déplacée en personne lors des audiences. Au fil des investigations judiciaires, elle avait dû reconnaître s’être livrée à des opérations fiscales à hauteur d’environ 100 millions d’euros via une douzaine de comptes à l’étranger, notamment en Suisse. Une situation régularisée depuis. Richard Werly