Le climat s’apaise autour de l’aide sociale Subsides
La réforme du système franchit une première étape Soulagés, les responsables ont en vue un compromis pour fixer les montants
Yelmarc Roulet
Praticiens de l’aide sociale, les responsables cantonaux et communaux qui président à la distribution des subsides en Suisse, se déclarent satisfaits et semblent pour tout dire soulagés. La réforme du système, qui a été lancée au début de l’année et franchit sa première étape, a déjà permis, selon eux, de dépassionner le débat politique à ce sujet.
C’est en tout cas le constat dressé jeudi à Olten (SO) lors de l’assemblée générale de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS). «Notre démarche est bien perçue, il y a déjà un apaisement depuis 2014», assure l’écologiste bernoise Therese Frösch, coprésidente de cette instance qui fixe les normes de référence dans le domaine.
Peter Gomm (PS/SO):
«Le fait que nous ayons remis en discussion les montants des subsides favorise une discussion rationnelle», confirme Françoise Jaques, cheffe du Service vaudois de l’aide sociale.
En vue de fixer les nouveaux montants, qui devraient entrer en vigueur au 1er janvier 2016, les «techniciens» de l’aide sociale et les responsables politiques parlent pour l’essentiel d’une même voix.
Elus et fonctionnaires viennent de se mettre d’accord sur les priorités de la réforme et le calendrier par étapes de celle-ci, à la suite d’une consultation que la CSIAS a menée auprès de ses membres.
Le consensus règne sur la nécessité de diminuer les montants du «forfait d’entretien» (le subside de base) pour les jeunes jusqu’à 25 ans, pour autant qu’ils vivent
Therese Frösch (Verts/BE): dans leur propre ménage, qu’ils ne soient pas en formation et qu’ils n’aient pas d’enfant.
Tout aussi incontesté est le durcissement envisagé pour les sanctions. Dans les cas graves et répétés de violation des obligations, les coupes dans les subsides devraient passer de 15 à 30%.
S’agissant des familles nombreuses, la Conférence des directeurs cantonaux de l’aide sociale (CDAS) a en revanche imposé son point de vue aux praticiens de la CSIAS, qui préconisaient le statu quo. Les ministres tiennent à diminuer le forfait d’entretien versé aux familles à partir de 6 personnes. Dans le canton de Vaud, par exemple, cela concerne 150 familles, soit environ mille personnes.
Tant les responsables politiques de l’aide sociale que les chefs des services sociaux s’accordent enfin pour ne pas envisager d’augmentation du subside de base. Par réalisme plutôt que par conviction: dans le contexte politique actuel, toute augmentation du forfait d’entretien paraît exclue, risquant de passer pour de la provocation. Pourtant, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a calculé que ce forfait est aujourd’hui de cent francs trop bas pour les ménages d’une ou deux personnes, par rapport aux critères d’origine.
Le forfait recommandé par la CSIAS est de 986 francs pour une personne seule et de 1509 francs pour un ménage de deux. Il devrait passer à 1076 et 1606 francs, si l’on voulait qu’il reste défini par «les besoins courants des 10% de la population aux revenus les plus faibles».
«On n’augmente rien et on ne dégrade pas trop, c’est une forme de compromis helvétique», résume Cornelia Breitschmid, cheffe du Service social du canton d’Argovie, pour qui les orientations fixées par la CSIAS pour la révision des normes ne sont «pas si spectaculaires que ça».
A ce stade, les acquis paraissent sauvegardés pour la majorité des bénéficiaires de l’aide sociale, constatent les professionnels du secteur.
Ces derniers se retrouveront en septembre avec les chefs de département et des représentants des communes pour chiffrer précisément les nouveaux montants des subsides dès le 1er janvier 2016.
Une seconde partie de la réforme, prévue pour 2017, abordera plus profondément le problème des «effets de seuil». Le fait que des familles subsidiées paraissent mieux loties que d’autres qui tirent leur modeste revenu d’un travail reste un grand défi de l’aide sociale. Pour répondre à une demande romande, la CSIAS devrait aussi édicter une recommandation sur le «loyer maximum déductible».
Président des directeurs cantonaux, Peter Gomm (PS/SO) avertit: depuis 2008, le nombre de bénéficiaires n’a fait qu’augmenter et l’incertitude économique, renforcée par les effets du franc fort, risque de s’installer dans la durée. Or, les responsables de l’aide sociale l’admettent: ils sont très mal armés pour la (ré) insertion professionnelle, un domaine qu’il faudrait justement doter de plus de moyens et rapprocher des services de l’emploi. Un tiers des bénéficiaires de l’aide sociale sont des mineurs, la moitié a moins de 40 ans. C’est dire l’ampleur du problème.
«On n’augmente rien et on ne dégrade pas trop, c’est une forme de compromis helvétique»