Marie-Hélène Miauton
A l’intérieur de leurs frontières, les gouvernements ont de tout temps été confrontés à des choix difficiles: trancher sur les investissements prioritaires, favoriser ou contrer les évolutions sociales, déclencher les guerres… Aujourd’hui, il leur faut non seulement se préoccuper des problèmes intérieurs mais aussi faire face aux crises qui secouent le monde et qui posent à terme trois grands défis.
Le premier est géostratégique. Il faudra gérer le rééquilibrage du monde alors que sont apparues de nouvelles puissances telles que la Chine, mais aussi l’UE ainsi que le BRICS. Le monde n’est plus bipolaire comme durant la Guerre froide ni unipolaire comme du temps de l’autoproclamé gendarme américain. De nombreux acteurs s’en mêlent qui prennent une importance parfois stratégique en raison de leur situation géographique, de leur richesse en ressources énergétiques ou de leur poids démographique. L’avenir verra-t-il un monde bipolaire Chine-Etats-Unis, ou un monde multipolaire centré sur les ensembles continentaux, ou encore un monde sans aucun centre de gravité ni prévisibilité, chaotique? Et quelle place y tiendra l’Europe quand on sait que l’Asie représente 60% de la population du monde. Et que l’Afrique, qui pèse aujourd’hui 16% de la planète avec son 1,138 milliard, en comptera plus de quatre milliards à la fin de ce siècle. L’âge médian y est actuellement de 20 ans contre 42 ans en Suisse. C’est dire les mystères géopolitiques qui nous attendent…
Le deuxième défi est évidemment économique. La conjonction entre la hausse démographique des populations les plus pauvres et la baisse des populations les plus riches va mener – mène déjà – à des flux de populations d’une ampleur sans précédent. Par un système de vases communicants, la richesse du monde devra s’équilibrer. Mais cela ne se passera pas sans crises, les plus riches n’ayant aucune envie de devenir plus pauvres et les plus pauvres étant prêts à se battre pour devenir plus riches. Une fois cet équilibre atteint, quel sera son niveau? Parviendrons-nous avant longtemps à la prospérité qui est la nôtre aujourd’hui? Il est permis d’en douter.
Le troisième défi est donc celui de la paix. Les flux de populations que nous connaissons et qui ne vont sans doute pas s’arrêter, amèneront avec eux des chocs civilisationnels difficiles à gérer, attisés par des divergences religieuses profondes. Vous avez là l’étincelle, vous avez là le combustible. Comment n’y aurait-il pas de feu? Le tout est de savoir comment le contenir dans des limites raisonnables pour éviter les réactions en chaîne. Et je ne parle pas ici de terrorisme ni d’islamisme radical. Non, rien que les heurts inévitables entre gens normaux.
Face à l’ampleur des difficultés qui nous attendent, il serait temps d’accorder toute l’attention nécessaire aux élections de cet automne qui désigneront nos représentants à Berne, qui eux-mêmes éliront ensuite nos conseillers fédéraux. Au lieu de les critiquer sans cesse, interrogeons-les sur leur vision de l’avenir, les solutions qu’ils préconisent, les valeurs qu’ils défendent. Ils auront un rude travail, autant qu’ils nous représentent bien!