Les sociétés du SMI ont un déficit de 29 milliards pour la prévoyance
Les plus grandes entreprises suisses disposent de moyens insuffisants pour faire face à leurs engagements en Suisse et à l’étranger Le faible niveau des taux a détérioré les degrés de couverture
Yves Hulmann
A la faveur de marchés boursiers en hausse, la plupart des études récentes consacrées aux caisses de pension ont souligné l’amélioration de leur situation de financement. Selon l’enquête de Swisscanto publiée mi-mai, le degré de couverture des caisses privées a progressé à 113,6% fin décembre, contre 110,3% en 2013.
Publiée jeudi, une étude de Towers Watson remet en question ce tableau idyllique en analysant la situation des plus grandes sociétés suisses cotées en bourse qui utilisent les normes comptables internationales (IFRS, US GAAP). Selon le cabinet de conseil, les 29 entreprises prises en compte par l’étude – celles incluses dans l’indice boursier SLI, sauf Swatch qui utilise les normes helvétiques – ont vu la situation financière de leurs engagements de prévoyance se dégrader, notamment en raison des taux d’actualisation très bas. Lorsque ce taux baisse, la valeur des engagements augmente mécaniquement. L’an dernier, l’augmentation des engagements de prévoyance à 197 milliards (+18%) a largement dépassé celle des actifs prévus à cet effet qui ont totalisé 167 milliards (+10,6%).
Au final, bien que la fortune de prévoyance ait augmenté, cette hausse n’a pas été suffisante pour compenser la dégradation du taux de couverture moyen des plus grandes entreprises suisses cotées en bourse. En moyenne, le degré de couverture s’est détérioré à 84% pour les sociétés du SMI (89% en 2013) et à 80% pour celles de l’indice plus large du SLI (84% un an plus tôt). «Cette valeur n’est pas que théorique. Elle influe aussi sur les évaluations des analystes sur les sociétés», a souligné Peter Zanella, spécialiste des solutions de prévoyance chez Towers Watson, jeudi à Zurich.
Le déficit – les engagements de prévoyance moins la fortune à disposition – s’est creusé à 29,3 milliards de francs en 2014, contre 16,2 milliards un an plus tôt.
Peter Zanella a rappelé que les chiffres de l’étude prennent en compte l’ensemble des engagements en matière de prévoyance des grandes entreprises helvétiques, non seulement en Suisse mais aussi à l’étranger. La révision en 2013 de la norme IAS 19, qui sert à évaluer les plans de pension, a accru la transparence financière mais elle aussi rendu les bilans plus volatils, juge Towers Watson.
En 2015, la diminution des taux d’intérêt s’est poursuivie au cours du premier trimestre: en Suisse, le rendement moyen des obligations a reculé de 23 points de base (0,23%) de janvier à mars, alors qu’il a diminué de près d’un quart de point pour les emprunts à 10 ans aux Etats-Unis. Cette évolution a été compensée en partie par les développements positifs sur les marchés actions en début d’année. Malgré tout, l’étude estime que le degré de couverture des grandes sociétés suisses s’est encore détérioré d’environ 3 points de base de janvier à mars.
Que signifie ce constat pour les employés basés en Suisse? Certes, le personnel helvétique est d’abord concerné par le degré de couverture de sa caisse de pension régie selon les normes suisses. Néanmoins, l’évolution des engagements de prévoyance de son employeur en fonction des normes internationales peut aussi conduire celui-ci à modifier les prestations proposées, juge Towers Watson. Dans un contexte de volatilité accrue des placements, les entreprises tendent à opter pour des stratégies de placements moins risquées et à réduire les garanties proposées aux assurés.
«La hausse de la fortune de prévoyance n’a pas été suffisante pour compenser celle des engagements»