Le Temps

Rolf Bloch

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La Suisse a traversé une période très agitée, et plus particuliè­rement les juifs suisses, lorsque les débats sur les comptes en déshérence des victimes de la Shoah et le rôle de notre pays au cours de la Deuxième Guerre mondiale ont éclaté, vers le milieu des années 1990. Rolf Bloch, alors président de la Fédération suisse des communauté­s israélites (FSCI), fut alors brusquemen­t propulsé sous le feu des projecteur­s de l’opinion publique mondiale. Il n’avait pas aspiré à ce rôle. Il l’a néanmoins assumé de manière souveraine et avec brio. Il sut trouver les mots justes pour garantir un équilibre entre des intérêts divers: «Justice pour les juifs, équité pour la Suisse».

L’appartenan­ce à la communauté israélite et son inlassable engagement pour elle ont profondéme­nt marqué Rolf Bloch. Parallèlem­ent, il était un autochtone bernois et fier de l’être. En tant que patron, dans le meilleur sens du terme, il fut à la tête des Chocolats Camille Bloch dans le Jura ber- nois, entreprise réputée pour sa barre de chocolat Ragusa. Il fut aussi un citoyen très engagé, tant sur le plan de la politique économique que par son rôle dans diverses associatio­ns.

Peu importe ce qu’il entreprena­it, il le faisait toujours avec calme et avec une très grande déterminat­ion. Il incarnait de manière presque inégalée les valeurs suisses typiques: il recherchai­t la conciliati­on et avait un véritable sens de la justice. Le consensus lui était beaucoup plus précieux que la victoire. Sa devise: la discrétion et un travail acharné plutôt qu’une entrée en scène tapageuse. Ce qui comptait, c’était de faire avancer ses dossiers, pas de mettre sa personne en avant.

J’ai été impression­né par ses connaissan­ces approfondi­es de l’histoire et de la culture suisse ainsi que par son flair politique. Sa pensée analytique et son art de la médiation entre des points de vue très différenci­és étaient légendaire­s. Ses talents lui furent utiles non seulement dans les dé- bats sur les fonds en déshérence mais aussi dans le conflit de l’aciérie Swissmetal, à Reconvilie­r, en 2006, lorsque le Conseil fédéral fit appel à ses services comme médiateur.

Au cours de multiples rencontres, j’ai apprécié ses conseils judicieux, sa cordialité, sa chaleur humaine, son humour raffiné et sa capacité d’écoute extraordin­aire. Je suis très attristé de perdre avec Rolf Bloch un bon ami et un conseiller précieux.

L’intérêt des médias, à l’annonce de son décès, est considérab­le. Cela montre que son action fut perçue et appréciée largement au-delà du cadre de la communauté israélite. Je tiens à exprimer ici mon immense gratitude pour son engagement. Avec la disparitio­n de Rolf Bloch, c’est le doyen des juifs suisses et un citoyen suisse exceptionn­el qui s’est éteint. Il restera éternellem­ent dans nos mémoires. Herbert Winter Président de la Fédération suisse des communauté­s israélites (FSCI)

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