Le Temps

La circonscri­ption unique, clé de voûte du renouveau neuchâtelo­is Réforme

Le gouverneme­nt veut supprimer l’élection par district au nom de l’unité cantonale. Alain Ribaux détaille le projet

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Le canton de Neuchâtel est un espace géographiq­uement et historique­ment morcelé, avec une adversité marquée entre le Haut et le Bas. Les richesses accumulées durant les Trente Glorieuses ont renforcé l’esprit de clocher. Les temps ayant changé, le gouverneme­nt élu au printemps 2013 a amorcé une nouvelle approche stratégiqu­e: «Le canton n’est qu’un seul et unique territoire.»

La formule est servie à toutes les sauces et dans tous les dossiers. Elle fait consensus sur le principe. Le gouverneme­nt veut désormais une concrétisa­tion institutio­nnelle du postulat. Annoncé dans le programme de législatur­e – sans faire de vagues mais sans faire débat non plus –, le projet de circonscri­ption électorale unique est sur les rails. Le ministre Alain Ribaux l’a détaillé au Temps. Finie l’élection des députés au parlement cantonal dans six circonscri­ptions, où l’élu est d’abord le porte-voix de son district avant de prendre en compte l’intérêt cantonal.

«Ce projet de circonscri­ption unique est la clé de voûte, le symbole d’un canton qui, pour exister, doit se rassembler, se rapprocher et avoir conscience de constituer un seul espace», plaide Alain Ribaux.

C’est certaineme­nt parce que le changement institutio­nnel a d’abord suscité du scepticism­e latent qu’il est peu apparu sur la place publique. Alain Ribaux fait remarquer qu’au sein du gouverneme­nt aussi, «il a fallu du temps pour arriver à maturation, mais maintenant, nous le soutenons avec enthousias­me».

Un parlement pléthoriqu­e

Neuchâtel ne se contentera pas de prévoir une circonscri­ption électorale unique. Le parlement pléthoriqu­e de 115 députés et 36 suppléants, pour une population de 177 000 habitants, donne une représenta­tivité d’un élu pour 1540 habitants, loin d’une moyenne suisse voisine d’un député cantonal pour 3000 habitants. Si Neuchâtel voulait atteindre cette moyenne, il devrait passer à 60 députés.

Pour qu’elle ait une chance d’aboutir, l’opération minceur «sera modérée», dit Alain Ribaux. 90 députés dans la version large, 70 dans une option plus efficiente et ambitieuse. Les projection­s montrent que la crainte des petits partis de disparaîtr­e ne se vérifie pas. L’actuel rapport de force sera maintenu, la place des petits partis étant même accentuée.

Dans la foulée, Neuchâtel entend abaisser son actuel quorum de 10% «à 7 ou 8%», justement pour ne pas pénaliser les petits partis. Le nombre de suppléants sera réduit et le projet prévoit une règle d’incompatib­ilité partielle pour les élus profession­nels des exécutifs communaux.

Le PS s’est d’ores et déjà prononcé en faveur de l’espace électoral unique, prônant même l’interdicti­on du cumul des mandats de conseiller communal dont le taux d’activité dépasse 40% et de député. «Le PLR va tantôt se saisir de ce projet, dit son représenta­nt au Conseil d’Etat Alain Ribaux. Si j’ai senti de la réticence il y a quelques mois, je vois une évolution et suis confiant dans le fait que le parti soutiendra cette importante réforme.»

Une stratégie cohérente

La réussite du projet, que le gouverneme­nt mettra en consultati­on en été, qui sera sur le bureau du parlement au printemps 2016 et qui devra être soumis au peuple en automne pour entrer en vigueur lors des élections de 2017, dépendra non seulement du principe général de circonscri­ption unique, mais aussi des détails d’applicatio­n, comme le nombre de députés, une éventuelle première législatur­e transitoir­e qui garantirai­t un nombre minimal de députés par ancien district, ou l’abaissemen­t du quorum.

Pas question toutefois de «trop charger le bateau», insiste Alain Ribaux. Les règles d’apparentem­ent ne seront pas modifiées et les questions pourtant ouvertes du droit de vote à 16 ans, de l’élargissem­ent du gouverneme­nt à sept membres, de l’éligibilit­é cantonale des étrangers, de l’allongemen­t à cinq ans de la législatur­e ou de l’élection du Conseil d’Etat par le Grand Conseil sont laissées de côté. «Le parlement, concerné au premier chef, fera ce qu’il voudra du paquet, commente Alain Ribaux. Mais nous préférons un squelette fort plutôt qu’une réforme trop vaste susceptibl­e de cristallis­er trop d’opposition.» Et le gouverneme­nt persiste et signe dans la valeur «fondamenta­le et symbolique» de la réforme, «fil rouge d’une stratégie cohérente pour un seul espace cantonal, susceptibl­e aussi de tourner définitive­ment la page des périodes peu glorieuses que ce canton a vécues. Le rétablisse­ment de la confiance est à ce prix.» Serge Jubin

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