Le Temps

Le pugilat à la Sarkozy, ce cauchemar français

-

Richard Werly

Nicolas Sarkozy a fait mentir ceux qui lui prédisaien­t un retour catastroph­ique. Samedi à Paris, à l’issue du meeting refondateu­r de l’UMP, rebaptisée «Les Républicai­ns», l’ancien président français pouvait savourer une première victoire. Le grand parti de droite, alliance des gaullistes et d’une bonne partie des centristes, a été remis en ordre de bataille. Les militants rêvent à nouveau d’en découdre. La victoire aux départemen­tales, en mars, et la perspectiv­e d’un second succès aux régionales de décembre galvanisen­t élus et candidats. Mission accomplie donc: l’ex-locataire de l’Elysée est de nouveau respecté, à droite, comme le chef qu’il n’a jamais cessé d’être, malgré sa défaite de 2012. La seule «variable» qu’il n’a pas domptée est celle des «affaires» qui, du financemen­t de sa campagne à l’arbitrage en faveur de Bernard Tapie, minent son retour.

Pourquoi, alors, ce malaise ressenti, samedi, au prononcé de son discours consacré à la «République de la confiance»? Et pourquoi, malgré les applaudiss­ements nourris, ce sentiment amer engendré par son ton agressif et ses formules maintes fois entendues sur le besoin d’un retour à l’ordre républicai­n, version Jules Ferry? La réponse vient de la posture sarkozyste. Quels que soient ses efforts pour rassembler son parti, en distribuan­t des postes à ses rivaux ou en créant des commission­s chargées de rédiger le futur programme, un seul horizon vaut pour l’ancien chef de l’Etat: celui de la présidenti­elle 2017. C’est à cette revanche qu’il se prépare, avec dans son viseur les primaires à droite de 2016.

Le voici, comme en 2007 puis 2012, réinstallé dans le rôle qu’il affectionn­e: un décideur, un homme fort, un leader inspiré face à des adversaire­s de droite ou de gauche qu’il s’emploie à disqualifi­er comme trop mous, trop faibles, voire carrément traîtres à «sa» république.

Cette prose lyrico-revanchard­e est peut-être de nature à mobiliser ses troupes. Elle répond peut-être, comme l’affirment certains, à une peur française de voir les institutio­ns républicai­nes remises en cause par une mondialisa­tion économique et un multicultu­ralisme mal acceptés et mal digérés. Soit. Mais l’on voit mal en quoi, deux ans avant 2017, ce «remake» identitair­e peut contribuer à réconcilie­r la France avec l’idée de réformes à la fois douloureus­es, urgentes et – lorsque cela est possible – consensuel­les.

Nicolas Sarkozy veut remonter sur le ring tout de suite, sans délai, dans l’espoir d’y retrouver François Hollande. Il cogne déjà, et attend la riposte pour cogner plus fort encore. Vu de l’étranger, ce pugilat anticipé engagé par l’ex-locataire de l’Elysée a tout du cauchemar.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland