«Les Républicains» s’inquiètent de la future primaire
France Nicolas Sarkozy contrôle plus que jamais l’ex-UMP, désormais rebaptisée Samedi à Paris, ses rivaux ont peiné à se faire entendre
Ils jurent n’avoir pas été prévenus. Sitôt La Marseillaise achevée, en clôture du congrès extraordinaire des «Républicains» ce samedi à Paris, les proches de François Fillon, d’Alain Juppé et de Bruno Le Maire ont commencé à «balancer». Sonorisation volontairement baissée lors des discours de leurs candidats, changement d’intervenants à la dernière minute pour atténuer la portée de leurs interventions, informations erronées sur le nombre des militants présents (20 000 selon les organisateurs, moins de 10 000 selon le front des opposants…): les griefs ne manquaient pas. «Quand on se frotte à ces réalités, on peut douter du discours sur la «République de la confiance», lâche un proche de Bruno Le Maire, en reprenant le leitmotiv développé au micro par Nicolas Sarkozy. Changer l’appellation du parti ne veut pas dire que notre ancien président a changé de méthodes.»
Officiellement, le rassemblement parisien de samedi, dans la foulée de l’approbation la veille du nouveau nom «Les Républicains» par 83,3% des militants de l’ex-UMP, avait pour but de remettre en ordre de marche les troupes du grand parti de droite français, et de faire oublier les violentes querelles de chefs qui ont empoisonné son fonctionnement ces deux dernières années. Pari réussi: toutes les principales figures de l’ex-UMP avaient répondu présent à l’appel de Nicolas Sarkozy, élu à sa tête en novembre dernier. Impossible, en revanche, de ne pas sentir dans l’assistance le poids des rapports de force, les manoeuvres des sarkozystes pour placer leur héros en pole position dans la course aux primaires annoncées pour novembre 2016 et toute l’ambiguïté d’une formation politique de culture bonapartiste, au sein de laquelle le culte du chef va de soi…
Il est 14 heures lorsque François Fillon prend la parole, sur le thème des libertés et du nouveau projet économique, son thème de prédilection. Résultat? Des applaudissements mêlés de huées d’entrée de jeu, suivis de bien timides ovations. Une heure plus tard, après une longue intervention de Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre de Jacques Chirac, et la lecture d’un mot de soutien de Bernadette Chirac, c’est au tour d’Alain Juppé d’entamer son discours. Ambiance? De nouveau une salve de sifflets, auxquels le maire de Bordeaux répond dignement, en se disant «blessé», mais «toujours membre de cette famille politique à laquelle il appartient». Quelques minutes plus tard, sa phrase sur la nécessité d’une «France apaisée, qui n’a pas besoin de revanche» passe presque inaperçue dans le brouhaha, alors qu’elle tacle nommément l’ancien chef de l’Etat.
«Les Républicains», à peine nés, ressemblent plus à un étau qu’à un tremplin pour les rivaux déclarés de Nicolas Sarkozy. Lequel garde, lui, le micro durant 40 minutes, pour décliner sous toutes ses formes le «besoin» de République dont il se refait, comme en 2007, le porte-parole tout en étant bien décidé à faire la course en tête grâce à son contrôle de l’appareil.
Huguette, 72 ans, est une militante de la Fédération UMP du Nord, dont le meneur est Gérald Darmanin, le jeune maire sarkozyste de Tourcoing, «Monsieur Loyal» du congrès refondateur. Elle ne décolère pas: «Cette idée de primaires nous a été imposée par le PS. J’ai toujours soutenu le général de Gaulle, puis Jacques Chirac. Un homme, un programme, c’est un peu notre ADN.»
Juste à côté d’elle, à la lisière du carré VIP, le très populaire ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, 85 ans, opine du chef. Même si elles figurent désormais dans les statuts des «Républicains», les primaires «ouvertes» ne sont visiblement pas sa tasse de thé: «Qui dit comparer les programmes dit diviser, lâche un militant des Hauts-de-Seine, le département de Pasqua et Sarkozy. Or, face au Front National et à la gauche, nous avons plutôt besoin d’être réunis sur un homme: Nicolas.»
Que faire alors? «Les primaires auront lieu. C’est tranché, note un familier des arcanes de l’ex-UMP. Mais en prenant le contrôle du parti, Nicolas Sarkozy a pris un avantage sérieux. Plus ses rivaux s’opposeront à lui, plus les adhérents et les électeurs de droite risquent de les accuser de diviser leur camp alors que la priorité est de remporter la présidentielle.»
Alain Juppé, de loin le mieux placé aujourd’hui, en a donc dès samedi tiré les conséquences. Tout en décochant quelques flèches, il s’est bien gardé, dimanche sur Europe 1, de dénoncer cette mainmise sarkozyste sur l’appa- reil, ou d’exprimer ses inquiétudes sur les conditions de vote aux primaires. Un attentisme qu’il espère combler par un travail de terrain, multipliant les rencontres thématiques avec les élus et les fédérations, tout en courtisant ouvertement l’électorat du centre droit. En soignant l’idée d’une éventuelle alliance avec Bruno Le Maire, le mieux placé de la nouvelle génération des «Républicains».
Le grand perdant semble être François Fillon. L’ancien premier ministre, résolu à défendre un projet libéral, a été enfermé par Nicolas Sarkozy dans son rôle de «traître», depuis la révélation de son déjeuner avec le secrétaire général de l’Elysée Jean-Pierre Jouyet durant lequel il aurait incité ce dernier à mobiliser la justice contre son ancien patron. L’affaire, auditionnée la semaine dernière, sera jugée le 9 juillet.
Alain Juppé s’est dit «blessé» par les huées, avant d’appeler à une France apaisée