Moscou a créé sa propre liste noire
Europe 89 personnalités sont interdites de voyage en Russie
Ces prochains jours s’annoncent agités entre l’Union européenne (UE) et la Russie. Dès ce lundi, Bruxelles va exiger des explications sur la liste noire de 89 personnalités européennes interdites de voyage au pays de Poutine. L’existence de cette liste dressée par le Kremlin a été révélée vendredi par le premier ministre néerlandais Mark Rutte. Depuis, les réactions fusent. Le président du parlement de Strasbourg, Martin Schulz, a menacé de prendre des mesures de rétorsion s’il n’obtenait pas rapidement des explications satisfaisantes. L’initiative russe jette de l’huile sur le feu de relations bilatérales déjà tendues en raison de la crise ukrainienne. Elle survient au moment où les Européens sont tentés d’apaiser la situation.
L’Europe ne découvre cette liste que maintenant. Or la Russie de Vladimir Poutine refoule des politiciens européens depuis mars. Bogdan Borusewicz, président du parlement polonais, et l’eurodéputée lettone Sandra Kalniete, deux personnalités connues pour leur position anti-russe, n’ont ainsi pas obtenu de visa pour assister aux obsèques de l’opposant Boris Nemtsov.
Moscou n’a jamais non plus fait état d’une liste avant samedi dernier. L’ambassadeur russe auprès de l’UE, Vladimir Tchijov, a voulu minimiser la portée du document en déclarant à la chaîne de télévi- sion russe Rossia 24 que la sanction ne visait pas de dirigeants ou de hauts responsables. «Mais la liste existe et personne n’y a été placé par hasard», a-t-il ajouté.
D’anciens chefs de gouvernement, des responsables de la défense et des parlementaires nationaux ou européens, tous détracteurs de la politique de la Russie, figurent sur cette liste que Moscou a fini par transmettre aux ambassades européennes vendredi. L’eurodéputé et ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, le patron des renseignements britanniques Andrew Parker, l’ancien vice-premier ministre britannique Nick Clegg et l’ancien eurodéputé vert Daniel Cohn-Bendit en font partie.
OEil pour oeil, dent pour dent
Il y aurait aussi une liste similaire concernant exclusivement les ressortissants américains. A Berne, le Département des affaires étrangères ne dispose pas d’informations sur des parlementaires suisses qui auraient fait l’objet de restrictions de voyage en Russie.
OEil pour oeil, dent pour dent. Selon le premier ministre néerlandais, il s’agit clairement d’une mesure de rétorsion aux sanctions occidentales imposées contre la Russie après l’annexion de la Crimée en mars 2014. Outre des mesures qui frappent des entreprises, les avoirs de 150 proches du Kremlin se trouvant dans les ban- ques européennes ont été gelés. Ces personnes ont été également interdites de voyage en Europe.
Pour l’UE, la réaction de Moscou est totalement arbitraire et injustifiée, surtout en l’absence de toute clarification et de transparence. «Nous n’avons aucune information sur la base légale, les critères retenus et le processus qui ont conduit à la prise de cette décision», a déploré un porte-parole de la Commission. «La moindre des choses aurait été que l’on fasse connaître aux personnes concernées les réserves qui les concernaient, a dénoncé le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier. A un moment où nous nous efforçons de désamorcer un conflit âpre et dangereux au coeur de l’Europe, cela n’aide pas.»
Ces derniers mois, en effet, l’UE joue l’apaisement. Il est question de revoir les sanctions contre la Russie à la fin de l’année. Tout dépendra du respect de l’accord de Minsk II. Un accord signé en février qui exige un cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine et le retrait des troupes russes. Lors du récent sommet pour le Partenariat oriental début mai à Riga, en Lettonie, les Européens ont tout fait pour ne pas offusquer la Russie. Quelques pays (Hongrie, Chypre, Grèce et Autriche) sont résolument opposés à toute nouvelle sanction contre Moscou. Ram Etwareea