Donnons à notre armée les moyens d’affronter les nouveaux périls
Dans une tribune parue dans Le Temps du 19 mai, M. Josef Lang se livre à un exercice pour le moins intrigant, qui consiste à se fabriquer ses propres réalités tout en prédisant l’avenir. Pêle-mêle il affirme que suite au refus de l’avion Gripen, le peuple suisse ne soutiendrait plus son armée, que le projet de développement de l’armée (DEVA) est une mini-réforme conduisant au maintien d’une armée de masse qui coûtera trop cher, que les risques et dangers à prendre en compte sont exclusivement liés aux changements climatiques, etc.
Dans le fond, rien de surprenant de la part d’un éminent spécialiste d’une politique de sécurité fondée sur l’arbitraire, qui voudrait faire la politique de sécurité dont il a envie mais pas celle dont on a besoin. Il convient pourtant de lui donner raison sur un point: le peuple a bel et bien refusé de financer un nouvel avion de combat. Soit, c’est un fait. De là à en conclure que la population ne soutiendrait plus une politique de sécurité forte et une armée crédible, il y a un pas que seuls les partisans du GSsA osent franchir. Pour contrer ces affirmations sorties de l’imaginaire de quelques pacifistes, certes sincères mais naïfs, la Société suisse des officiers (SSO) s’appuie entre autres sur la dernière étude du Center for Security Studies de l’EPFZ. Intitulée «Sicherheit 2015», cette dernière démontre que quatre Suisses sur cinq estiment que l’armée est nécessaire! Plus pertinent encore, le fait que 74% des jeunes entre 20 et 29 ans partagent cet avis. On est loin des digressions intellectuelles du GSsA. Et que dire du pragmatisme des Suisses qui estiment dans cette même étude à près de 76% que le risque de conflit armé sur le continent européen ne peut plus être totalement exclu.
Oui, M. Lang, la réalité sécuritaire de notre pays correspond à l’image employée par François Nordmann dans Le Temps du 5 mai 2015: «La Suisse au centre d’un cercle de feu.» Telle est la réalité, à savoir que d’une part notre pays se trouve au centre de l’Europe, laquelle se comporte comme une sorte de méduse sécuritaire portée par les courants de pensée américains, et que d’autre part on assiste à nouveau sur notre continent au recours à la violence armée, de la part d’Etats, pour régler des conflits. Dès lors chacun observera que les dernières convulsions géopolitiques – et pas seulement sur le plan sécuritaire – ne sont pas de nature à rassurer, tant s’en faut.
Humilité, précaution, prévision, anticipation, tels sont les fondements d’une politique de sécurité crédible. Et c’est bien là que réside toute la difficulté. Dans un monde peu lisible, instable, mobile, dangereux, comment construire des politiques de sécurité qui prennent en compte la réponse aux menaces, risques et dangers, dont certains sont cumulatifs, sans parler de ceux qui n’existent pas encore? En d’autres termes, comment apprivoiser l’incertitude, par l’abandon ou le principe de précaution? La SSO a fait son choix: celui de la précaution. Car il est responsable de se préparer à affronter l’avenir et d’offrir aux générations futures l’essentiel: la paix et la sécurité. C’est pour cette raison que nous avons soutenu le projet de réforme de l’armée (DEVA) tout en exigeant des correctifs importants. Cette nouvelle armée se caractérise par quatre facteurs clés: – moins de graisse plus de muscles avec une réduction des effectifs de l’ordre de 30%; – mieux équipée; – mieux décentralisée; – capable d’agir dans des délais plus brefs avec une disponibilité et une capacité opérationnelle accrues.
Il est faux d’imaginer qu’une armée plus petite coûte moins cher, car les systèmes technologiques, les systèmes d’armes, les systèmes de transmission sont de plus en plus complexes et avec une obsolescence plus rapide. Alors oui, cette armée devra disposer d’un budget. Pour analyser objectivement ce que coûte notre armée, il faut analyser objectivement le chemin parcouru en matière de dépenses militaires. En 1980, la part du budget fédéral affecté à la défense nationale était de quelque 20%, alors qu’en 2013 elle s’élevait à 7%, soit une diminution de l’ordre de 13%.
Autrement formulé, durant près de trente ans l’armée a servi de volant de manoeuvre financière. Il y a une logique à cela, logique extrêmement positive et c’est un des rares dividendes à accorder à la construction européenne: la paix sur notre continent. Dès lors le développement de l’armée implique un financement de 20 milliards sur quatre ans, ce qui représentera quelque 0,8% de notre PIB – soit moins de la moitié de ce que recommande l’OTAN – et nous place au 50e rang mondial.
Ainsi, après plusieurs années d’apnée financière, nous devons donner à notre armée les moyens de remplir ses missions, ni plus ni moins et cela afin de faire face à l’incertitude des temps. Christian Dandrès, Asloca Genève Suite à la parution le 19 mai de l’article «Pourquoi la gauche refuse de transformer les bureaux en logements» relatif à la votation cantonale genevoise du 14 juin, l’Asloca tient à réaffirmer sa position. Notre association de défense des locataires est évidemment favorable à la transformation de bureaux en logements, mais s’oppose à une loi inutile et trompeuse qui ne résoudra en rien la crise du logement dont souffre la population genevoise. La LDTR instaure un système de contrôle automatique des loyers qui tient compte tant de la nécessité d’offrir des logements accessibles à la majorité de la population que des investissements du propriétaire. L’administration doit opérer une pesée des intérêts qui l’a déjà amenée à admettre des loyers deux fois plus élevés que le montant précité, lorsque les circonstances le justifiaient. La LDTR est un instrument de régulation du marché locatif nécessaire en période de pénurie et que plusieurs cantons connaissent (VD, NE, BS, LU). Zurich a supprimé sa LDTR il y a une quinzaine d’années, adoptant la politique de tout-au-marché prônée par Ronald Zacharias à Genève. Malgré un territoire moins exigu que Genève, cette politique a eu des conséquences catastrophiques pour les locataires de la classe moyenne. Elle a conduit, en 2011, les électeurs de la ville de Zurich à approuver une augmentation de la proportion de logements sans but lucratif – qui atteint déjà 25% – à 30% du parc immobilier. A Genève, l’objectif fixé est inférieur (20%) et le nombre de ces logements atteint à peine 10%. Dans ce contexte, le maintien de la LDTR est indispensable pour éviter que les transformations de bureaux se fassent en appartements de luxe. Cette catégorie de logements ne résoudra pas la crise dans la mesure où elle crée généralement sa propre demande de personnes fortunées, ce qui, à terme, contraint les locataires de la classe moyenne à se loger hors de la ville et du canton.
Trois quarts des jeunes entre 20 et 29 ans jugent l’armée nécessaire. On est loin des digressions intellectuelles du GSsA