Le Temps

Protéger la famille, toutes formes de familles, c’est l’enjeu du siècle

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Dans la deuxième moitié du XXe siècle, le concubinag­e était encore poursuivi pénalement et le divorce socialemen­t réprouvé. Aujourd’hui, la moitié des mariages environ se termine par un divorce. Pendant des siècles, les femmes qui mettaient au monde un enfant hors mariage étaient mises au ban de la société. Aujourd’hui, un enfant sur cinq naît hors mariage sans que plus personne ne s’en offusque. Humiliés, ostracisés, persécutés, les homosexuel­s ont traversé les pires affres avant d’obtenir, récemment et malheureus­ement pas encore partout, la reconnaiss­ance sociale et le droit de vivre à découvert.

L’évolution permanente de notre société nous oblige à nous poser sans cesse de nouvelles questions. L’actualité nous en livre de bons exemples. D’une part, le peuple irlandais vient d’approuver le mariage pour tous, ce qui prouve qu’une société dont la foi catholique est indéniable peut oser faire preuve d’une ouverture d’esprit avant-gardiste.

D’autre part, le Tribunal fédéral vient de trancher une question épineuse (LT du 22.05.2015). Deux hommes vivant en partenaria­t enregistré sont allés aux Etats-Unis où ils ont eu un enfant avec l’aide d’une mère porteuse. De retour en Suisse, ils ont demandé que leur paternité soit officielle­ment reconnue. Au regard de nos lois, cela pose problème puisque ni l’adoption d’un enfant par un couple homosexuel ni le recours à une mère porteuse ne sont autorisés. Que faire? La justice saint-galloise avait accepté d’accorder aux deux hommes la paternité de l’enfant. Le Tribunal fédéral a cassé cette décision. Ce résultat, respectueu­x de nos lois actuelles, pose autant de questions qu’il n’en tranche.

De telles situations vont se multiplier à l’avenir, d’où la nécessité de nous adapter. Dans ce processus, il faut veiller à ne pas tout accepter sans réfléchir. Une grille de lecture est nécessaire. De mon point de vue, la famille doit en faire partie. C’est mon côté conservate­ur: je crois en la famille qui offre aux enfants à la fois l’amour parental et les points de repère dont ils ont besoin pour se lancer dans la vie. Ils y apprennent les valeurs telles que le respect, la tolérance, le partage, mais aussi la curiosité de poser les bonnes questions pour développer leur sens critique.

Mon côté progressis­te me fait dire que la forme que prend cette famille importe peu. La famille doit être comprise au sens de la communauté des personnes qui partagent leur intimité au quotidien. Couples hétérosexu­els mariés ou vivant en concubinag­e, familles recomposée­s, couples homosexuel­s, toutes les formes de vie qui permettent la création d’une famille devraient être considérée­s, sous l’angle juridique, sur un pied d’égalité.

Considérée­s à cette aune de la famille moderne, de nombreuses questions qui paraissaie­nt inextricab­les deviennent plus simples. Un couple homosexuel peut-il adopter l’enfant de l’un des deux partenaire­s? La question est brûlante d’actualité et concerne, estime-t-on, entre 6000 et 30 000 enfants de parents homosexuel­s («Modernisat­ion du droit de la famille», rapport du Conseil fédéral de mars 2015, p. 7). Le Conseil fédéral y a déjà répondu par l’affirmativ­e et le parlement va très bientôt se pencher sur la question. Ma réponse aussi est oui parce qu’un couple homosexuel vivant dans une relation stable (le projet prévoit d’exiger trois années de vie commune) offre à l’enfant une cellule familiale dans laquelle il a toutes les chances de s’épanouir. Cette modificati­on législativ­e aurait également pour conséquenc­e heureuse de résoudre le problème du couple homosexuel saint-gallois évoqué plus haut, permettant au deuxième père d’accéder à la paternité.

Aujourd’hui, un couple hétérosexu­el confronté à un problème d’infertilit­é peut recourir à la procréatio­n médicaleme­nt assistée, mais uniquement pour résoudre une infertilit­é du père puisque nos lois actuelles autorisent le don de spermatozo­ïdes mais pas d’ovules. Est-ce juste? Je considère que non et je soutiens l’initiative parlementa­ire visant à rétablir l’égalité de traitement entre hommes et femmes – je la soutiens d’autant plus fermement qu’elle a été déposée par mon collègue de parti Jacques Neirynck.

Je suis également favorable à l’introducti­on en Suisse d’un pacs à la française. Prévu à l’origine pour les homosexuel­s, le pacs a prouvé chez nos voisins qu’il répondait aux attentes d’un grand nombre d’hétérosexu­els. En 2013, plus de 95% des pacs ont été conclus entre des personnes de sexes différents. Cette popularité montre qu’une partie importante de la population veut officialis­er son union, mais sans recourir au mariage, une institutio­n dans laquelle elle ne se reconnaît plus. Aujourd’hui, en France, avec 41% des unions légales, le pacs est en passe de remplacer le mariage.

Autre statistiqu­e qui renforce ma foi en la famille sous toutes ses formes: le pacs marche moins mal que le mariage puisque le taux d’échec y est d’environ un tiers, alors qu’en France aussi un mariage sur deux se termine par un divorce. Je prône cependant la création d’une solution allant audelà du pacs français et réglant aussi les questions liées aux assurances sociales et à la fiscalité.

Autre question qui revient régulièrem­ent au-devant de l’actualité, en ce moment à la faveur du référendum irlandais sur le sujet: le mariage gay. Une initiative dite «Mariage civil pour tous» est pendante au parlement. Elle demande que le mariage et le partenaria­t enregistré soient ouverts à tous les couples. Faut-il qu’une institutio­n considérée par un nombre croissant de personnes comme désuète – le mariage – reste la référence centrale des réformes en cours? Ne serait-il pas plus judicieux, sans abandonner le mariage, de créer une seule et même nouvelle institutio­n – une sorte de fusion entre notre partenaria­t enregistré et le pacs français – permettant d’accueillir les familles sous toutes leurs formes? Ce débat, passionnan­t, occupera l’actualité ces prochains mois et années; il faudra le tenir en ne perdant jamais de vue l’essentiel, à savoir le bien de nos enfants. Maurice Wagner, Pully (VD)

Couples hétérosexu­els mariés ou concubins, familles recomposée­s, couples homosexuel­s devraient être sur un pied d’égalité

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