Le Temps

Marilyn Manson ouvre le bal des vampires

Festival Le grand méchant gothique défendra mercredi son dernier album au 25e Caribana Portrait d’un démon attachant, en pleine résurrecti­on

- Camille Destraz Marilyn Manson en concert, le 3 juin au Caribana Festival à Crans-près-Céligny. Rens. www.caribana-festival.ch

Ce n’est pas encore totalement l’été, mais cela y ressemble. Mercredi, le Caribana ouvrira les feux des festivals en plein air avec comme souvent une programmat­ion grand écart. Entre le métal gothique de Marilyn Manson le premier soir, et la pop ado sucrée de Mika le dernier jour, difficile de trouver univers plus éloignés. Mais comme en physique, les opposés s’attirent. Et visiblemen­t attirent: les deux soirées affichent déjà complet.

Il faut dire que la venue de Marilyn Manson au bord du Léman est pleine de promesses. Celle d’un show maximum d’abord, Manson ayant pour lui une vision théâtrale du concert. Celle surtout de voir en vrai le pire cauchemar de l’Amérique de retour après avoir traversé quelques déserts. Car le rockeur de l’enfer est en pleine résurrecti­on. Fraîche, la résurrecti­on. En janvier 2015, il sortait The Pale Emperor, Manson le méchant clown blanc se réinventai­t alors en teintant sa musique de blues. La critique unanime saluait le retour du grand lugubre enfin sorti des limbes du Grand-Guignol.

Marilyn Manson tomberait-il le masque? Pas complèteme­nt. L’Américain de 46 ans persiste dans le camouflage. Les yeux noircis au charbon, les lèvres recouverte­s de rouge épais et un regard de vampire sous acide, il conserve l’emplâtre cosmétique de son personnage chez qui Alice Cooper, Kiss et David Bowie période Ziggy squattent le panthéon personnel.

Marilyn Manson en public, Brian Hugh Warner en privé. Bête de métal sur scène, garçon timide en coulisses. Depuis son premier cri guttural sur le CD Portrait of an American Fa-

La venue de Marilyn Manson

mily en 1994, quelques années ont été nécessaire­s pour apprivoise­r l’animal. Déjà rien que par son pseudo, carambolag­e entre le glamour tragique de Marilyn Monroe et la folie meurtrière de Charles Manson. Comme une histoire en vitesse ultra-rapide des invraisemb­lances de l’Amérique.

Sensible et intelligen­t, mais planqué sous les couches de fond de teint, le phénomène reste difficile à saisir. Le rocker dark cultive des talents d’aquarellis­te et une vocation de galeriste, affiche une vie privée en dents de scie – mariage éclair avec la mère du cabaret burlesque Dita von Teese –, produit sa propre absinthe, et sert d’égérie à la marque Saint Laurent. Comme quoi le diable ne s’habille pas qu’en Prada. «Marilyn Manson est mon alter ego, explique-t-il calmement en interview. La musique m’a permis d’avoir une personnali­té que je ne possédais pas avant.»

Enfance? On imagine à Canton, Ohio, les divertisse­ments aussi rares que les avions de ligne dans le ciel. D’ailleurs chez les Warner, on reste en famille. Une mère infirmière, un père vendeur de meubles qui lui apprend dès son plus jeune âge à faire peur pour se faire respecter. Et aucun ami. Ou alors si, un seul, un cousin avec qui il découvre dans la cave du grand-père Warner les collection­s de sextoys, de revues pornos et de photos zoophiles. La légende du traumatism­e est née. Brian s’automutile, étudie le théâtre et le journalism­e, et s’essaie à la chronique musicale avant de créer son groupe de métal industriel Marilyn Manson and the Spooky Kids. Sa reprise trash du tube Sweet Dreams d’Eurythmics va faire exploser sa popularité. On est au milieu des années 90. Manson se trouve là où personne ne l’attend. Jusqu’à l’avènement suprême en 1996. Trent Reznor du groupe Nine Inch Nails produit Antichrist Superstar. Huit millions de fans trouvent là leur nouvelle Eglise. Une autre partie découvre son grand satan. Marilyn chante son amour du dark et assume vibrer pour les voix venues de l’enfer. C’est Orphée ayant finalement décidé d’emménager chez Lucifer.

Cette image du musicien du diable va lui coller à la peau – les ados meurtriers du massacre de Columbine ne l’écoutaient-ils pas en boucle? – et assurer aussi son business. Mais le cirque du bouffon gothique lasse. En 2003, son album The Golden Age of Grotesque va déclencher le schisme. Il scotche le monde du métal, mais pour le grand public, le provocateu­r glaçant qu’il était tourne en rond coincé dans son costume de poupée sanglante. Mais comme le diable qui surgit de sa boîte, le rockeur a du ressort. La preuve mercredi soir au Caribana où il n’est pas impossible que le chanteur revenu de l’ombre marche sur les eaux.

Son nom? L’histoire en vitesse ultra-rapide des invraisemb­lances de l’Amérique

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2015 au bord du Léman est pleine de promesses. Visuelles, d’abord, car ses concerts sont des shows par excellence.

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