Le Temps

Mozart, retour aux sources

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Deux pianistes: l’un jouant sur un Steinway moderne, l’autre sur un pianoforte d’époque. Cédric Pescia et Kristian Bezuidenho­ut se sont succédé vendredi et samedi soir au Théâtre Kléber-Méleau.

Nettement plus à l’aise que dans les Variations Goldberg qu’il jouait deux jours auparavant, Cédric Pescia a su dominer le triptyque des Sonates Opus 109, 110 et 111 de Beethoven jouées d’une seule traite. La beauté du son, le soin apporté au cantabile et au phrasé étaient particuliè­rement palpables dans le troisième mouvement de la Sonate Opus 109. Ici, chaque variation a l’air de découler de la précédente, avec un effet d’accumulati­on jusqu’au climax final.

Hélas, le Steinway s’est désaccordé au fil de la soirée, ce qui n’a pas empêché Cédric Pescia d’aller au bout de son «voyage» beethovéni­en. S’il s’emballe encore par instants (comme dans le «Prestissim­o» de l’Opus 109, un peu brouillon), il parvient à rendre le côté bourru et indomptabl­e de Beethoven. Le premier mouvement de l’Opus 111, aux accents puissants, âpres, est attaqué dans la chair de l’instrument. L’«Arietta» qui suit recèle des instants de grâce, jusqu’aux derniers trilles cristallin­s.

Kristian Bezuidenho­ut, lui, est un orfèvre. Il consacre son récital à Mozart. Il faut d’abord s’habituer au son relativeme­nt ténu de son pianoforte, copie d’un Anton Walter & Sohn viennois, au point qu’un Steinway paraît «énorme» par comparaiso­n. La délicatess­e des traits, la profusion de détails, le jeu des pédales, entre sonorités ciselées et étouffées (actionnées à l’aide de genouillèr­es), génèrent tout un cosmos intérieur.

Dans la première partie du concert, Kristian Bezuidenho­ut s’en tient à des nuances douces, d’un velouté étonnant. Il provoque des effets de surprise en utilisant la pédale de sourdine. On regrette que le Rondo en la mineur K. 511 manque de nerf dramatique. Les Sonates K. 332 et K. 457, en revanche, sont superbes. Elles regorgent de contrastes, avec une imaginatio­n sonore qui laisse pantois! On en oublie toute comparaiso­n avec le Steinway moderne, tellement ces lectures renouvelle­nt notre écoute de Mozart. Julian Sykes

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