Céleste Janine Jansen
Il n’y a rien de tel pour apaiser et élever l’âme que la Sarabande de la 2e Partita pour violon seul de Bach. Surtout quand c’est Janine Jansen qui la livre en bis. Aérienne, gorgée de lumières et d’une délicatesse frissonnante, son interprétation a touché le ciel avant que Daniel Harding et le London Symphony Orchestra n’ouvrent la terre dans la 5e Symphonie de Mahler.
La création mondiale de I nearly went, there d’Edward Rushton ouvrait samedi le programme du dernier concert de Migros Classics au Victoria Hall. L’oeuvre, qui débute dans la catastrophe sonore avant de se dérouler sur une texture orchestrale chargée, s’est vite fait oublier devant le raffinement et le tempérament ardent de la musicienne.
Avec le Concerto pour violon de Mendelssohn, la soliste néerlandaise a démontré qu’on peut jouer fin, hypersensible et gracieux tout en libérant des énergies piaffantes, des attaques aux arêtes vives et une justesse de trait parfois aveuglante. Mais jamais le jeu ne se durcit sous les tensions, pointées comme des flèches vers la lumière.
Féline, le corps magnifié par une longue jupe plissée sous un corset de satin vert, Janine Jansen danse avec l’orchestre, le chef et la partition. Dans une parfaite attitude de chambriste, l’écoute aiguisée, le regard attentif et le geste accueillant. Elle rend à la partition un esprit vif-argent qui rappelle les sortilèges du Songe d’une nuit d’été. Autre enchantement, d’une autre dimension: celui du LSO.
Quel orchestre, quels musiciens! Dans la «5e» de Mahler, dont Daniel Harding soulève toute la puissance et la sève organiques plus qu’il ne la mène vers un but défini, chaque pupitre chante, cingle, et gronde. Le trompettiste solo donne le ton d’entrée: tranchant, brillant et d’une musicalité saisissante. L’harmonie rayonne, les cordes claquent et ronronnent, les percussions explosent (timbalier de rêve…). Et l’«Adagietto» s’envole, lui aussi, vers des hauteurs célestes. Aube et crépuscule à la fois, adieu au monde et promesse d’une lumière nouvelle, cette lecture s’avère grandiose. Et profondément humaine. Sylvie Bonier