Le rôle des banques anglo-saxonnes
Des établissements britanniques et américains sont au coeur de l’enquête sur la FIFA
Lire l’acte d’accusation américain contre les officiels de la FIFA, c’est faire un voyage à travers le système financier international. Une bonne partie de l’argent de la corruption aurait transité par les grandes banques américaines et britanniques, ainsi que par certains établissements suisses. Côté britannique, on trouve HSBC, Barclays et Standard Chartered. Côté américain, l’accusation parle de Bank of America, Citibank, JPMorgan, Delta Bank, Fidelity, Wachovia (aujourd’hui Wells Fargo), First Citizens, Sun Trust… En Suisse, l’argent aurait transité par des comptes de Julius Baer, UBS, ainsi que par la filiale de la banque israélienne Hapoalim.
Le circuit financier des pots-devin aurait utilisé les paradis fiscaux les plus connus: Panama, îles Caïmans, Bahamas, Qatar, Trinidad et Tobago… Aucune de ces banques n’est accusée par les autorités américaines de fraude ou de complicité dans cette affaire. Mais les trois institutions britanniques citées ont ouvert des enquêtes in- ternes, pour vérifier si leurs comptes avaient été utilisés pour des affaires de corruption.
Le cas Takkas
Parmi les exemples avancés par les autorités américaines se trouve le cas typique de Costas Takkas. Ce citoyen britannique était le président de l’Association de football des îles Caïmans, et un proche de Jeffrey Webb, le président de la Concacaf (la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes). En novembre 2012, selon l’accusation, il aurait reçu un million de dollars de pots-de-vin. L’argent aurait été versé par Traffic USA, une entreprise de Miami qui organise des événements dans le football. Elle aurait ensuite transité via une société-écran sur un compte bancaire d’HSBC à New York, puis d’HSBC à Hongkong, avant d’aller sur un compte de Standard Chartered à New York et de finir à Fidelity Bank aux îles Caïmans. Au passage, le bénéficiaire de la société-écran, un résident de Miami – non nommé par l’accusation – a touché 200 000 dollars.
Si les banques britanniques sont au coeur du système de paiement, Londres est également au centre de l’enquête. Le Serious Fraud Office, l’agence qui enquête sur la criminalité financière, a révélé avoir ouvert depuis plusieurs mois une enquête préliminaire sur une possible corruption au sein de la FIFA. Elle dit «étudier les documents en sa possession». Elle se dit aussi prête «à aider les enquêtes criminelles internationales en cours», mais n’écarte pas non plus la possibilité d’ouvrir sa propre enquête formelle.
Elle peut compter sur le soutien des autorités britanniques, qui sont très remontées contre Sepp Blatter. Le premier ministre britannique, David Cameron, a appelé à sa démission. L’Angleterre était candidate à l’organisation du Mondial 2018 et s’est toujours sentie volée dans ce processus qu’elle estime biaisé.
Lors d’un débat à la Chambre des communes jeudi, plusieurs députés ont appelé à un boycott de la Coupe du monde. Le président de l’Association anglaise de football (FA), Greg Dyke, semble prêt à suivre: il refuse de boycotter seul l’événement, mais envisage de le faire si tous les pays européens le font. Enfin, Heather Rabbats, seule femme membre du conseil d’administration de la FA, a annoncé lundi sa démission d’un groupe de travail de la FIFA contre le racisme. Pour elle, sa volonté de travailler sur ce sujet est «dépassée pour l’effet désastreux des récents événements sur la réputation de FIFA». Eric Albert