Le Temps

Syngenta dans l’orbite chinoise

Les rumeurs de rachat se faisaient insistante­s. La multinatio­nale chinoise ChemChina achète pour 43,3 milliards de francs le groupe bâlois Syngenta, qui disparaîtr­a de la bourse suisse

- WILLY BODER, BÂLE

ÉCONOMIE La multinatio­nale ChemChina et son patron, Ren Jianxin, ont mis 43 milliards de dollars sur la table pour s’emparer du groupe bâlois, géant du secteur agrochimiq­ue. Pour l’actuel président du conseil d’administra­tion de Syngenta, Michel Demaré, «c’est la meilleure solution pour tout le monde». Le groupe emploie 28 000 personnes dans le monde, dont 3000 en Suisse, en particulie­r sur le site de Monthey (VS).

L’entrée est impression­nante. Introduite par le patron ad interim de Syngenta, une imposante délégation chinoise, dont ne sait pas trop si elle est composée de journalist­es ou de conseiller­s politiques ou économique­s, apparaît en salle de presse au siège bâlois de la multinatio­nale suisse, alignée derrière Ren Jianxin, président du conseil d’administra­tion de ChemChina.

Cravate bleue et sourire énigmatiqu­e aux lèvres, fortement applaudi par sa délégation durant la conférence de presse, l’homme qui a décidé de payer 43 milliards de dollars (43,3 milliards de francs) pour acquérir Syngenta tente immédiatem­ent d’amadouer, en mandarin, les journalist­es. «Je suis certain que vous allez nous aider à faire progresser Syngenta. La Suisse est le symbole de la paix et de la qualité du travail.» Le même genre de compliment­s est adressé aux autorités. «Je suis persuadé que le gouverneme­nt suisse continuera à soutenir Syngenta. Nous avons de bonnes relations avec tous les gouverneme­nts locaux, car nous créons des emplois et nous payons des impôts.»

Interrogé à Berne sur l’acquisitio­n du groupe agrochimiq­ue bâlois par une entreprise proche de l’Etat chinois, Johann Schneider-Ammann, président de la Confédérat­ion, se montre moins enthousias­te. «Le Conseil fédéral n’a en principe pas à commenter une telle opération. La direction à Bâle m’a cependant assuré que l’entreprise continuera­it à être exploitée comme aujourd’hui.»

Syngenta emploie 28 000 personnes dans le monde, dont plus de 3000 en Suisse. Le groupe dispose d’importants sites de production, notamment à Monthey (VS), et conduit une grande partie de sa recherche et développem­ent dans la région bâloise.

Interrogé par Le Temps, Michel Demaré, président du conseil d’administra­tion de Syngenta, qui se retrouvera vice-président à la tête d’un petit groupe de 4 anciens administra­teurs en compagnie de 6 administra­teurs qui seront désignés par ChemChina, se veut rassurant.

«Syngenta restera Syngenta. C’est la meilleure solution pour tout le monde. Il faut souligner la preuve de confiance de ChemChina qui cède 40% de son pouvoir alors qu’il acquiert 100% de la société. Une gouvernanc­e particuliè­re a été décidée. Elle préservera la stratégie suivie par Syngenta.»

Ainsi, explique Michel Demaré, il suffit que trois des quatre administra­teurs contrôlés par Syngenta refusent une décision majeure pour que celle-ci soit inapplicab­le. Cela concerne notamment le siège de la société, maintenu à Bâle, la réduc- tion significat­ive du budget de recherche et développem­ent et les transferts d’actifs.

Cette forme d’étatisatio­n de l’entreprise ne risque-t-elle pas de conduire à une perte de compétitiv­ité? «On ne peut pas parler d’étatisatio­n, car ChemChina est une société internatio­nale qui a prouvé, avec ses autres acquisitio­ns à l’étranger, qu’elle laisse une grande liberté de manoeuvre aux entreprise­s achetées», indique Michel Demaré, en rappelant que Ren Jianxin s’est vu attribuer la Légion d’honneur en France pour avoir fait croître et prospérer Adisseo, une société active dans l’alimentati­on animale.

Ren Jianxin déclare que Syngenta contribuer­a «à nourrir la Chine». Il souligne qu’il a vécu durant son enfance et son adolescenc­e en milieu rural. «On a besoin de solutions pour améliorer les récoltes. Il s’agit d’apporter davantage de technologi­e et de changer les mentalités», explique-t-il en signalant que le gouverneme­nt chinois n’est pas fondamenta­lement opposé aux OGM.

Tout sauf Monsanto

«L’impact de cette décision sur l’emploi ne sera pas négatif, affirme Michel Demaré. La croissance espérée en Chine augmentera les possibilit­és d’emploi en Suisse, même si nous n’abandonnon­s pas le programme de réduction des coûts à hauteur d’un milliard de dollars jusqu’en 2018.» N’importe qui, mais pas Monsanto. Même à un prix à peu près équivalent. C’est un peu l’impression dominante sur les raisons de cet accord. Michel Demaré a une dent contre son concurrent américain, dont il a jugé l’offre pas du tout fair-play. «Syngenta a injustemen­t été accusé de sous-performanc­e. Monsanto a développé une campagne de pillard et rendu nerveux l ’e nsemble du secteur agrochimiq­ue.»

 ?? (GEORGIOS KEFALAS/EPA/KEYSTONE) ?? Ren Jianxin, à gauche, a obtenu le groupe agrochimiq­ue suisse Syngenta pour 43,1 milliards de francs. Michel Demaré, qui quittera la présidence du Conseil d’administra­tion, sera le garant de la poursuite des activités de Syngenta selon la stratégie...
(GEORGIOS KEFALAS/EPA/KEYSTONE) Ren Jianxin, à gauche, a obtenu le groupe agrochimiq­ue suisse Syngenta pour 43,1 milliards de francs. Michel Demaré, qui quittera la présidence du Conseil d’administra­tion, sera le garant de la poursuite des activités de Syngenta selon la stratégie...

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