Le Temps

Comment la voiture électrique va se démocratis­er

General Motors lancera à la fin de l’année sa petite Bolt, capable de parcourir 300 km et vendue 30 000 dollars. Tesla répliquera quelques mois plus tard avec son Model 3. La bataille pour l’auto électrique enfin populaire est engagée

- LUC DEBRAINE

L’histoire de la voiture électrique est celle de l’éternel retour. Elle était là dès l’aube de l’aventure automobile, propre sur elle, facile à conduire, dénuée de la manivelle indispensa­ble au démarrage du moteur, déjà limitée par son faible rayon d’action. La voiture à lourds accumulate­urs est réapparue pendant les guerres mondiales, les crises du pétrole, les diverses tentatives légales de réduire consommati­on et pollution. Un tour et puis s’en va, en silence, sans avoir convaincu les foules de ses qualités.

Dans un sens, celui de la mobilité de masse, la situation est encore pire aujourd’hui. La voiture la plus désirable du moment est la Tesla Model S, 100% électrique, made in Silicon Valley. Mais elle est réservée au plus petit nombre en raison de son coût d’environ 100 000 francs. Même si elle s’est écoulée à 1500 exem- plaires en Suisse, l’an dernier. La Tesla fait payer cher son autonomie de 400 km et plus.

Le seuil psychologi­que des 300 km

Il existe des modèles électrique­s meilleur marché. Ennui: leur rayon d’action entre deux charges dépasse à peine les 100 ou 200 km. Avec le prix de vente et le manque d’infrastruc­tures de recharge, cette faible autonomie est le principal frein à l’achat. Nombre d’études ont montré que le seuil psychologi­que, pour l’acquisitio­n d’une telle technologi­e, est de 300 km.

Grâce aux progrès des batteries et à la baisse de leur coût, voilà que se profilent à l’horizon des petits modèles de voitures électrique­s capables de parcourir un peu plus de 300 km, vendues entre 30000 et 35000 francs. La formule magique, selon les marques, pour espérer pénétrer les marchés en profondeur. Tesla dévoilera à la fin du mois prochain les esquisses de son futur modèle «économique», le Model 3, qui proposera ces performanc­es et ce prix. S’il n’est pas retardé par les difficulté­s de fabricatio­n et les importants délais de livraison dont est coutumier le constructe­ur californie­n, l e Model 3 devrait être commercial­isé en 2017.

Mais Détroit, la capitale américaine du moteur à essence, passée tout près de la mort clinique, s’apprête à brûler la politesse à la Silicon Valley. Revanche! La vedette incontesté­e du Salon automobile de Détroit, le mois dernier, a été la Chevrolet Bolt. Une voiture compacte à hayon, haute sur pattes, dont la ligne et l’encombreme­nt rappellent la Honda Jazz. General Motors, dont Chevrolet est la marque principale, a tiré profit de la tentative en 2011 de la Volt. Un modèle électrique doté en complément d’un petit moteur essence qui avait pour seule fonction de recharger les batteries. Une solution trop chère, trop compliquée. Or les études poussées sur la chimie des accumulate­urs au lithium-ion, leurs performanc­es par grand froid et forte chaleur ou leur capacité à parcourir le plus de kilomètres possible, ont nourri la conception de la petite Bolt. Dont le lancement est prévu en fin d’année aux Etats-Unis, avant qu’elle soit sans doute commercial­isée en Europe sous le badge Opel en 2017. Là encore, l’équation intègre une autonomie d’un peu plus de 300 km et un prix d’un peu plus de 30000 francs.

Mary Barra, la présidente de General Motors, a fait du projet Bolt une cause personnell­e. C’est à la fois une affaire de rédemption (GM sauvé de justesse par les milliards du gouverneme­nt fédéral) et d’anticipati­on. L’automobile s’apprête à changer dans les dix prochaines années autant qu’elle l’a fait dans les 70 dernières. Pas question que les promesses de conduite autonome, de connectivi­té, de partage, de mobilité propre ne proviennen­t que de Tesla, Google, Apple ou Uber. Voilà plus d’un siècle que Détroit fabrique des automobile­s à la chaîne. Ce ne sont pas les geeks de la périphérie de San Francisco qui vont écrire le futur.

Spacieuse pour sa taille, grâce à la place dégagée par la position du pack de batteries sous le plancher, la Bolt s’inscrit dans l’ère du tout rechargeab­le: écran tactile de 10 pouces sur le tableau de bord, rétroviseu­r qui transmet l’image d’une caméra placée à l’arrière, des applicatio­ns qui permettent le partage de la voiture ou de jouer au plus économe en énergie avec d’autres conducteur­s de Bolt. Sans compter le wifi à bord, le Bluetooth à basse consommati­on pour le smartphone, le GPS qui permet de calculer l’autonomie selon la topographi­e, l’état du trafic ou les conditions atmosphéri­ques.

Voilà plus d’un siècle que Détroit fabrique des automobile­s à la chaîne. Ce ne sont pas les geeks de la périphérie de San Francisco qui vont écrire le futur

Chinois et Japonais en lice

La bataille pour la voiture électrique populaire s’annonce ainsi passionnan­te. D’autant que les Chinois ou les Japonais n’ont aucune intention de laisser le champ libre aux seuls Américains. A preuve, l’annonce le 1er février du projet de Renault-Nissan de développer une auto électrique à très bas coût, d’abord pour le marché chinois, puis le reste du monde si entente.

 ?? (MARK BLINCH/REUTERS) ?? La Chevrolet Bolt au récent salon de Détroit. Lancée fin 2016, elle brûlera la politesse au Model 3 de Tesla, elle aussi conçue pour les marchés de masse.
(MARK BLINCH/REUTERS) La Chevrolet Bolt au récent salon de Détroit. Lancée fin 2016, elle brûlera la politesse au Model 3 de Tesla, elle aussi conçue pour les marchés de masse.

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