Une manne fédérale pour former davantage de médecins en Suisse
Le Conseil fédéral veut débloquer 100 millions de francs pour aider les hautes écoles à augmenter la capacité d’accueil des études de médecine. Il s’agit de passer de 800 à 1300 diplômes par an à l’horizon 2025
Le timing ne doit rien au hasard. Quelques jours avant le 9 février, jour qui va marquer les deux ans de l’acceptation en votation de l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse», le Conseil fédéral a annoncé mercredi qu’il entend allouer un crédit de 100 millions de francs pour la formation des médecins. « Nous sommes en situation de grande dépendance vis-à-vis des compétences étrangères, la relève médicale indigène doit être davantage promue», explique le président de la Confédération et ministre de l ’ Economie, Johann Schneider-Ammann. Traduction en chiffres: la Suisse ne formant pas assez de praticiens, plus de 30% des médecins qui exercent dans le pays sont titulaires d’un diplôme étranger; la proportion s’élève à plus de 40% dans les hôpitaux.
Cela fait plusieurs années que la pénurie de médecins et plus généralement de professionnels de la santé préoccupe le gouvernement. «Et avec le vieillissement de la population, l es besoins vont encore croître», ajoute le responsable du Département de l’intérieur, Alain Berset. Les universités ont déjà étoffé leur offre de formation, l’enveloppe fédérale doit permettre de donner une impulsion supplémentaire pour financer, durant les années 2017 à 2020, un programme spécial conçu avec la Conférence suisse des hautes écoles. Actuellement, les Universités de Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich forment 800 à 900 médecins par an. Le Conseil fédéral a fixé un objectif de 1300 masters annuels à l’horizon 2025.
Les 100 millions supplémentaires s’inscrivent dans le cadre des mesures accompagnant la mise en oeuvre de l’initiative «Contre l’immigration de masse» et des actions plus globales visant à combattre la pénurie de personnel qualifié. Ils feront partie du message sur l’encouragement de la formation, de la recherche et de l’innovation qui devrait être transmis aux Chambres en mars 2016.
La manne fédérale ouvrira sans aucun doute des appétits et attisera des ambitions. Actuellement, cinq universités offrent des cursus complets en médecine humaine. Fribourg ne propose que le bachelor, Neuchâtel uniquement la première année de bachelor. D’ici à quelques années, le paysage de la formation médicale devrait considérablement évoluer.
Dans un rapport rédigé il y a quelques mois sur mandat du Secrétariat d’Etat à la formation, l’ancien recteur de l’Université de Bâle Antonio Loprieno rappelait que la constellation académique, stable depuis des dizaines d’années, «est défiée par des phénomènes nouveaux», notamment celui-ci: les écoles polytechniques fédérales, « pour des raisons d’ordre scientifique», et plusieurs cantons, «dans un souci de développement de leurs pôles universitaires», «souhaitent prendre pied dans la formation médicale». L’EPFZ a annoncé un bachelor en sciences médicales; Fribourg compte mettre sur pied un master. L’Université de Suisse italienne, ainsi que Saint-Gall et Lucerne, ont des projets du côté de la formation clinique en collaboration avec leurs hôpitaux. Des modèles de partenariat devront être développés.
Dans s on communiqué, l e Conseil fédéral précise d’ailleurs que l’augmentation du nombre de diplômes devra se faire «dans une démarche coordonnée au niveau national». La Conférence des recteurs des hautes écoles mettra sur pied un train de mesures avec les hautes écoles universitaires.
Le Conseil fédéral a également parlé de la formation des professionnels des soins, où sévit aussi l a pénurie. « Le nombre de diplômes décernés en Suisse ne cesse de croître depuis 2007», se félicite le gouvernement qui note que 84% du besoin de relève des assistants en soins et santé communautaire est couvert. Le nombre de diplômes a plus que doublé entre 2007 et 2015, passant de 1500 à 3700. Dans la nouvelle formation d’aide en soins et accompagnement, plus de 880 contrats d’apprentissage ont été conclus en 2014. Dans les soins infirmiers enfin, le nombre de diplômés de degré tertiaire est en hausse: plus de la moitié des besoins estimés à un peu plus de 4500 sont couverts. Les inscriptions dans les filières d’études ont progressé de 2600 en 2011 à 3000 en 2014.