Après la COP21: ne pas s’endormir sur ses lauriers
Voici quelques semaines s’est achevée la COP21. Autant son échec était largement annoncé, autant les congratulations de fin de session ont fait dire que la «planète était sauvée». Comme souvent, la vérité est entre les deux et l’essentiel est encore devant nous. D’ailleurs, il s’agit moins de la planète que de nos conditions d’existence sur celle-ci!
L’Accord de Paris relance effectivement un processus qui s’était quelque peu enlisé. D’une part, en prenant à bord tous les Etats, il clôt la parenthèse du Protocole de Kyoto. Entré en vigueur en 2005, celui-ci réservait l’effort aux pays industrialisés – et encore, les Etats-Unis sous la présidence Bush ne l’ont jamais ratifié, et le Canada en est sorti fin 2012. D’autre part, en retenant que le réchauffement de la surface terrestre doit rester «nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels», il fixe une cible claire.
Toutefois, l a Convent i on- cadre des Nations unies sur les changements cl i matiques, entrée en vigueur en 1994, prescrivait déjà «de stabiliser […] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique». Force est de constater que malgré cet engagement, depuis 1994, les émissions annuelles de gaz de serre ont augmenté de 50%! Désormais, les choses figurent en toutes lettres, ou plutôt dans leur traduction chiffrée. Mais vingt précieuses années ont été largement perdues et il nous faut maintenant mettre les bouchées doubles, sans garantie de réussite. Les générations futures auront de bonnes raisons d’accuser les climatosceptiques, principaux responsables de ce retard, de crime contre l’humanité!
Pour confirmer l’élan de Paris, trois priorités s’imposent. Il faut tout d’abord obtenir la ratification de l’Accord par au moins 55 Etats, représentant 55% des émissions anthropiques de gaz de serre: c’est la condition de son entrée en force. Puis son universalité passera par l’universalité des adhésions.
Ensuite, il faut corriger le bas prix du pétrole qui dissuade fortement la mise en oeuvre des engagements pris. Comme le relève Sylvie Faucheux, économiste française spécialisée en environnement, «le carbone doit avoir un prix en relation avec les externalités qu’il génère. Sinon l’opérationnalisation de l’Accord de Paris se heurtera à […] des agents économiques qui ne verront pas l’intérêt d’en tenir compte». Les marchés du carbone n’ayant pas bien fonctionné, l’on s’accorde aujourd’hui, y compris au FMI, à donner la préférence à une taxation mondiale du CO2, qui offrira de plus l’avantage d’aider au financement de la transition énergétique. On en reparlera inévitablement à la COP22 de cette fin d’année.
Enfin, il faut se libérer au plus vite des énergies fossiles (et fissiles). S’engager à 20, 30 ou même 50% de réduction d’émissions pouvait paraître audacieux voici dix ans. Aujourd’hui, c’est d’une mutation technologique et comportementale d’une tout autre ampleur dont nous avons besoin et à la dynamique comparable aux successives révolutions informatiques.
Les climatologues nous donnent une décen- nie pour modifier les choses. Le programme de la transition est connu et bien chiffré, y compris en termes d’emplois. Il consiste à orienter les investissements vers la généralisation de la voiture électro-solaire, l’autopartage, une offre de transports publics digne de ce nom et la réduction des déplacements obligés ou de loisirs. Il s’agit également de développer massivement les énergies renouvelables, d’assainir énergétiquement le parc immobilier, de substituer l’agro-écologie à l’agriculture industrielle, de décarboner les processus thermiques et industriels, de renforcer le potentiel de stockage naturel du carbone, en particulier à travers la promotion des biotopes forestiers. Tout cela étant aussi bénéfique humainement, socialement, culturellement.
Cette révision substantielle du modèle hérité des Trente Glorieuses – que d’aucuns s’échinent à vouloir faire redémarrer, mais qui nous conduit droit dans le mur – de nombreuses entreprises l’ont déjà anticipée ou du moins l’envisagent. Mais il n’est pas sûr que la société y soit prête. Le déclic dépend désormais de la volonté politique, donc de la volonté de chacun d’entre nous de modifier les conditions de fonctionnement de l’économie et ses fonctionnements personnels. Si la formule n’était pas complètement éculée, nous dirions qu’il faut maintenant passer de la parole aux actes. Car il n’y aura pas d’échappatoire possible et pas de 2e planète en vue une fois la première rendue invivable.
Les générations futures auront de bonnes raisons d’accuser les climatosceptiques de crime contre l’humanité!