L’atrazine, le pesticide contesté de Syngenta
Interdite dans l’Union européenne et en Suisse, la substance atrazine produite par l’entreprise bâloise Syngenta est encore utilisée dans de nombreux pays, malgré un risque de perturbation hormonale
L’atrazine, substance active d’un pesticide produit par Syngenta, suscite depuis une quinzaine d’années une intense polémique. En vogue dans les années 1960 en raison de son prix modéré, son efficacité et son ancienneté sur les marchés, cet herbicide est interdit par l’Union européenne depuis 2003 et par la Suisse depuis 2012. Mais il continue à être utilisé dans un grand nombre de pays dont les Etats-Unis où quelque 40 000 tonnes seraient épandues chaque année sur des cultures comme le maïs, le blé, le sorgho ou la canne à sucre.
Ses détracteurs considèrent l’atrazine comme «l’uranium des pesticides» car cette substance continue à polluer les nappes phréatiques de nombreuses années après son interdiction. Ils lui reprochent principalement d’être un «perturbateur hormonal inquiétant», comme le souligne une étude commandée par la Commission européenne en 2011 qui a analysé plus de 500 substances chimiques.
Entre 2002 et 2006, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en France a réalisé une vaste étude épidémiologique en Bretagne auprès de plus de 3400 femmes enceintes en début de grossesse. Cette enquête a mis en évidence que les femmes ayant des traces d’atrazine dans les urines avaient 70% de risque supplémentaire de mettre au monde un enfant ayant une faible circonférence crânienne à la naissance. Avec, pour conséquence, un moindre développement neuro-cognitif. «Ne me parlez pas des études françaises, c’est de la science poubelle», a commenté Mike Mack, ancien directeur général de Syngenta interrogé par les journalistes de l’émission Cash Investigation de France 2 diffusée le 2 février dernier.
Pourtant, à l’Université californienne de Berkeley, le biologiste Tyrone Hayes, référence mondiale dans ce domaine, est arrivé à la même conclusion que l’Inserm. Mandaté par Syngenta afin d’étudier les effets hormonaux de l’atrazine sur les grenouilles, le chercheur affirme avoir été discrédité par la société bâloise quand elle a pris connaissance des résultats de son étude.