LYRIQUE UNE FORCE TELLURIQUE

Verdi, avec son opéra le plus sombre et cathartique, écartelé entre malédiction, vengeance et résignation. Le Vi c t ori a Hall, avec s es dorures et son acoustique très généreuse. Le mariage est-il compatible? Si l’on aime s’immerger dans les débordements sonores, sans «distraction» visuelle, oui. Si l’on préfère profiter des subtilités musicales et bénéficier d’une lecture scénique plus distanciée, non. Comme pour toute proposition de version concertante, il faut choisir son camp. Particulièrement pour La Force

du destin coproduite par l’OSR et le Grand Théâtre, qui s’inscrit aussi dans la saison hors les murs de l’opéra genevois. Difficile de prendre un peu de hauteur, à quelques mètres de la scène, l’âme ébouriffée par une puissance de décibels qui en déconcerte certains. Juger dans ces conditions de l’équilibre des pupitres, de l a cohésion générale, de la subtilité des intentions et de la netteté des traits tient de l’acrobatie. Par contre, suivre le galbe des lignes, l’intensité des nuances, le jeu des couleurs, les tremblements sonores, les ruptures du discours, les contrastes des sentiments et la puissance de la dramaturgie va de soi. Dans ces conditions, le chef Paolo Arrivabeni possède un indéniable sens de la narration et du drame. Et l’OSR n’économise ni son énergie, ni l’engagement de ses pupitres (des vents éclatants, des cordes drues), ni ses talents (le clarinettiste Michel Westphal en tête). Quant aux solistes invités, ils attisent le feu que l’orchestre allume sous leurs voix. Le couple royal du plateau est sans conteste la soprano Csilla Boross (Leonora) et la basse Vitalij Kowaljow (le père gardien). D’un côté la fièvre, le lyrisme, la tragédie et l’élégance d’une voix brûlante. De l’autre, la noblesse, l’autorité, la rigueur et la projection intériorisée d’un timbre tranchant. Entre ces deux atouts majeurs, le Frère Melitone expressif et stylé de José Fardilha, le Don Alvaro hyper vaillant d’Aquiles Machado et le Don Carlo héroïque de Franco Vassallo dominent un plateau et un choeur très soudés. Contrairement au prix des places et des programmes qui joue au yo-yo entre Grand Théâtre et OSR…