«Le coût de la RIE III est parfaitement supportable»
Le patron des Finances fédérales, Ueli Maurer, reste de marbre devant les pertes qu’entraîneraient les allégements fiscaux supplémentaires accordés aux entreprises par le Conseil national
La caisse fédérale a perdu près de 300 millions de francs supplémentaires suite aux décisions prises mercredi et jeudi par le Conseil national dans le cadre de la réforme de la fiscalité des entreprises, dite RIE III. Si elle est adoptée dans cette version par le Conseil des Etats, elle coûtera largement plus que la somme de 1,3 milliard de francs annoncée par le Conseil fédéral en juin 2015.
Là où l'ex-conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, qui a élaboré ce dossier, se serait battue pour éviter des coupes supplémentaires dans les recettes de la Confédération, son successeur, Ueli Maurer, au contraire, s'est campé dans une position explicative impassible.
A l'issue du débat, il a minimisé l'importance des pertes pour la caisse fédérale. «Trouver 100 millions sur un budget de 70 milliards de francs ne doit pas être si difficile que ça.» Dans son calcul, il a cependant oublié de mentionner la taxe au tonnage, votée sur pression des parlementaires genevois, qui coûtera plusieurs millions à la Confédération.
Pour parvenir à une perte supplémentaire de recettes de seulement 100 millions de francs, le ministre des Finances opère sur- tout une comparaison avec le scénario du pire pour la caisse fédérale, et non avec celui envisagé au départ par le gouvernement. Ueli Maurer prend en effet en considération un «gain» de 153 millions de francs parce que le Conseil national a refusé, par 99 voix contre 89, une proposition d'Olivier Feller (PLR/VD) de faire passer de 20,5% à 21,2% la part de l'impôt fédéral direct (IFD) versée aux cantons par la Confédération. Cette part, aujourd'hui de 17%, sera augmentée à 20,5%, comme le voulait le Conseil fédéral à l'origine.
La décision de rester à 20,5%, prise avec l'appui d'une partie de la gauche pourrait fâcher certains cantons. Ces derniers se retrouveraient alors dans le camp des opposants à la RIE III, avec le parti social i ste et l es Verts, en cas de référendum pour l'instant très probable.
«Un investissement en faveur de la compétitivité»
Ueli Maurer affirme pourtant sa confiance dans le projet. L'alourdissement de la facture de 266 millions de francs pour la Confédération, et de 344 millions pour les cantons, à cause de la déduction possible des intérêts notionnels (intérêts fictifs non payés sur le capital propre comparé au capital emprunté), ne le préoccupe guère.
«Le paquet est équilibré. Son coût est parfaitement supportable pour le Conseil fédéral», a-t-il assuré jeudi matin. Pourtant, mercredi, avant le vote sur l'ajout des intérêts notionnels, il avait averti: «Ne chargez pas trop le bateau. Vous risquez de déséquilibrer le projet et de ralentir son adoption et sa mise en vigueur.»
L'Union des villes suisses se dit «préoccupée» par cette déduction supplémentaire qui «pourrait avoir des conséquences graves pour les communes». Elle estime que la nouvelle loi entraînera des pertes de recettes de 1,3 milliard de francs au seul niveau communal si le taux d'imposition cantonal moyen est abaissé à 16%.
La réforme a été acceptée contre l'avis du parti socialiste et des Verts par 138 voix contre 52. Ueli Maurer la juge quasi parfaite. «La RIE III n'est pas un facteur de coût pour la Confédération. Il s'agit d'un investissement en faveur de la compétitivité de l a Suisse » , explique-t-il en reprenant l'un des arguments de l'UDC.
L'effet dynamique de la réforme, c'est-à-dire la compensation de la perte à court terme des recettes fiscales par des gains réalisés à moyen terme par l'implantation de nouvelles entreprises due à une fiscalité attractive, est défendu par l'ensemble des partis bourgeois.
A gauche, en revanche, ce raisonnement est battu en brèche sur la base de l'exemple du canton de Lucerne qui doit opérer de sévères coupes budgétaires après avoir voulu attirer des entreprises par un taux d'imposition bas.
La RIE III permettra aux cantons d'abolir les statuts fiscaux spéciaux et offrira aux entreprises de nouvelles formes d'optimisation fiscale. La proposition socialiste de compenser les pertes par un impôt sur les gains en capitaux a été refusée par 141 voix contre 51.