Le Temps

Le patronat français fait son école numérique

Lors de la seconde université numérique du Medef, les entreprene­urs du secteur numérique ont fait la leçon à leurs ainés

- RICHARD WERLY, PARIS

Union de la métallurgi­e, Fédération des assurances, Fédération des entreprise­s industriel­les… Au quartier général du Medef, avenue Bosquet à Paris, tous les sigles inscrits sur les murs reflètent l’économie d’hier. Une réalité pointée, mercredi et jeudi, par les orateurs invités à s’exprimer lors de la seconde université numérique de l’organisati­on faîtière du patronat français. «Encore maintenant, les mots numérique et Medef ne collent pas très bien ensemble» a concédé son vice-président, Geoffroy Roux de Bézieux. Thibault Lanxade, responsabl­e des petites entreprise­s au Medef, avait auparavant averti: «L’un des risques, en France, est que notre corporatis­me patronal étouffe les opportunit­és numér i ques. Gare à ne pas rajouter des contrainte­s pour protéger nos business, car cela ne marchera pas. Ce pays a un besoin urgent de revisiter ses fonctionne­ments collectifs. Et cela vaut aussi pour nous, dirigeants d’entreprise­s.»

A l’heure où le climat social français se crispe autour du projet de loi sur la réforme du Code du travail – il sera entériné le 24 mars, et a de nouveau été la cible hier de protestati­ons lycéennes et étudiantes – l’initiative du patronat avait un mérite: exposer le fossé qui sépare, en France, l’économie traditionn­elle du secteur numérique. Exemple: Uber. «Plus de 25% des chauffeurs employés par Uber étaient au chômage avant de prendre ce nouvel emploi, a poursuivi Thibault Lanxade. Et parmi eux, 40% étaient chômeurs de longue durée.»

Autre réalité: le décalage, mesuré par un récent sondage Gallup, entre la motivation des employés du secteur numérique, et ceux de l’économie traditionn­elle. Selon le professeur Isaac Getz, de l’Ecole supérieure de commerce de Paris, 65% des salariés français traditionn­els se disent aujourd’hui «découragés» et 26% «activement désengagés» de l’entreprise. Ils ne sont, à l’inverse, que 9% à se déclarer «engagés», contre plus de 50% dans les start-up, il est vrai très différente­s: «L’une des réalités sur laquelle nous buttons est la difficulté de recrutemen­t que rencontren­t, en France, les entreprise­s numériques, confirme un porte-parole du Medef. Peu de cadres franchisse­nt le pas. Ils redoutent les nouveaux comporteme­nts, comme le fait d’être notés par leurs employés, ou de devoir gérer, au lieu de salariés, un grand nombre d’indépendan­ts.»

Fossé génération­nel

Un nom a été cité à plusieurs reprises: celui du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, adoubé comme le porte-drapeau de ce saut génération­nel. Le fait que son second projet de loi «Noé» (Nouvelles opportunit­és économique­s), centré sur le numérique, ait été abandonné, et que certains aspects soient recyclés dans la loi travail, est déploré. «En France, les rigidités de l’emploi tuent le travail, alors que les salariés sont prêts à davantage de flexibilit­é», a argué l’entreprene­ur numérique Jérémy Lamri. Sa conclusion? «Le plus gros frein est culturel et il vient aussi des patrons. Dans le monde numérique, l a hiérarchie ne concentre plus le savoir, et les employés les plus précieux ne veulent parfois plus de contrat fixe.»

«En France, les rigidités de l’emploi tuent le travail, alors que les salariés sont prêts à davantage de flexibilit­é»

JÉRÉMY LAMRI, ENTREPRENE­UR

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EMMANUEL MACRON MINISTRE FRANÇAIS DE L�ÉCONOMIE

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