Le Temps

Référendum citoyen contre une armée réduite de moitié

Un comité soutenu par le groupement Giardino veut faire voter le peuple sur la réforme «Développem­ent de l’armée». UDC et gauche restent en embuscade

- LISE BAILAT, BERNE

La Suisse veut diviser les effectifs de son armée par deux, faisant passer la troupe de 200 000 à 100 000 hommes, tout en la rendant mobilisabl­e plus rapidement, mieux équipée, et en la dotant de 20 milliards de francs sur quatre ans. Cette réforme, nommée DEVA pour «Développem­ent de l’armée», conduira aussi à la fermeture de trois aérodromes et sept places d’armes. Ses détracteur­s sont désormais constitués en un comité citoyen «pour notre sécurité» qui tentera de faire aboutir un référendum. Le mouvement est connecté au groupement Giardino, mille membres, avant tout des soldats et des officiers.

«Nostalgiqu­es de la Guerre froide»

Au parlement fédéral, la perspectiv­e de ce référendum fait soupirer. «C’est ridicule», lance le conseiller national Yannick Buttet (PDC/VS). François Villard, représenta­nt romand de Giardino, rétorque: «La situation depuis 2010, date du dernier rapport sur la sécurité de la Suisse, a quand même bien changé, avec des conflits en Ukraine, en Syrie et l’arrivée de quantité d’immigrés. On constate que les pays se réarment. Simultaném­ent en Suisse, on décide de réduire les effectifs de moitié. C’est incompréhe­nsible.» Le Genevois cite un exemple précis: «Si nous devions assurer un plan de type Vigipirate, nous serions incapables de le faire avec 100 000 hommes. Nous avons environ mille objets d’importance nationale à sécuriser.»

Yannick Buttet parle au contraire d’une réforme cohérente, quoi qu’en disent «ces nostalgiqu­es de la Guerre froide». «On n’a pas le choix entre cette propositio­n et une solution idéale mais entre cette propositio­n et l a situation actuelle qui n’est pas tenable.»

Champ de bataille budgétaire

Le PLR est sur la même longueur d’onde. Le «Développem­ent de l’armée» a d’ailleurs passé sans embûches le cap des votes finaux vendredi au parlement. Au Conseil national, les Verts ont combattu la réforme, les socialiste­s se sont en majorité abstenus. La gauche se bouche le nez sur l’enveloppe quadrienna­le de 20 milliards de francs, mais ne peut qu’applaudir la réduction de moitié des effectifs de la troupe. Elle se battra d’année en année pour limiter les budgets destinés à l’armée.

A l’inverse, l’UDC peste contre la réduction des effectifs à 100 000 hommes, mais fait tout pour bétonner la hausse des moyens financiers promise. Lundi passé, son chef de groupe, Adrian Amstutz (UDC/ BE), a ainsi demandé de manière sibylline au conseiller fédéral Ueli Maurer si les 20 milliards de francs seraient bel et bien pris en compte dans les planificat­ions financière­s. «Oui, le Conseil fédéral est obligé de mettre en oeuvre cette décision», a répondu le ministre des Finances. De quoi rallier les élus UDC encore sceptiques. Pour Thomas Hurter (UDC/SH), il faut être réaliste: «Bien sûr que 100 000 hommes, c’est peu. Mais il n’y a pas de majorité politique en faveur d’une troupe plus importante.»

Le Schaffhous­ois se réjouit néanmoins de la saisie d’un référendum d’un point de vue tactique: «Nous ne le soutenons pas mais il va nous aider à maintenir la pression sur le financemen­t de 20 milliards. Le moment de vérité se déroulera dès cet été, avec l’élaboratio­n du budget.»

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