A chacun sa façon de courir
Le running n’a jamais été aussi populaire, mais tous les adeptes ne l’appréhendent pas de la même manière. Typologie en quatre modes
Record battu: ils sont 28 402 à s’être inscrits pour courir les 20 km de Lausanne ce weekend. C’est un record, et un vertige: la participation attendue est trois fois plus importante qu’en 1996, deux fois plus qu’en 2006 et représente même une augmentation de 10% par rapport à l’an dernier. Il y a d’autres indicateurs moins statistiques mais tout aussi pertinents – le succès du film Free to Run de Pierre Morath – pour illustrer la folle popularité de la course à pied.
L’expliquer s’avère tâche plus ardue. Dans son petit ouvrage Dis- moi pourquoi tu cours, publié l’automne dernier, le psy- chologue et psychothérapeute Nicolas Duruz raconte comment il a commencé à (aimer) courir sur le tard, à 60 ans, et compile les expériences de ceux qu’il a croisés ici ou là. Il développe enfin une intéressante «typologie du courir» pour distinguer les différentes manières d’appréhender la discipline.
Du paysage à la carte géographique
Il y a le «courir contactuel», celui du l âcher- prise. « On appréhende le monde en le respirant » , écrit Nicolas Duruz. Sens en éveil et pensée au vent, le sportif est en syntonie avec ce qui l’entoure sans y prêter garde.
Le «courir performant» l’emmène dans un autre décor. «Ce n’est plus le monde du paysage mais de la carte géographique», signale l’auteur. Les chemins choisis se font parcours; le temps consacré, chrono; le rythme, allure exprimée en minutes au kilomètre. Ce mode est aussi celui du tout connecté, des data qui remplacent les sensations, de la connaissance qui supplante l’intuition.
Quête d’absolu
«Courir collectif», c’est faire l’expérience de la confrontation. Ce n’est plus seulement se soucier de sa propre performance, mais se comparer au voisin (et souvent vouloir faire mieux que lui). Ce style i nclut d’autres enjeux: « se l ai s s er i mmerger dans l a grande foule des coureurs de fond et y trouver sa place», précise Nicolas Duruz, mais aussi se situer par rapport à ceux qui ne courent pas mais regardent, r e mar que nt , admirent ou sont déçus.
« Courir motivé » , enfin, touche à la particularité de l’être humain, «le seul parmi les vivants à pouvoir se donner des raisons de vivre et, sur leur base, à se fabriquer des idéaux», décrit Nicolas Duruz. «Courir motivé», c’est donner un sens à ses efforts (dépasser ses limites, rester éternellement « j eune » , évacuer de mauvaises énergies), se lancer dans une quête d’absolu et y trouver son bonheur. C’est courir par passion.
L’auteur privilégie pour sa part le «courir contactuel». «C’est sur ce mode-là que j’ai l’impression de vraiment me ressourcer», écrit-il. Mais les différents styles qu’il distingue ne sont pas exclusifs: on peut adopter l’un et l’autre, et un troisième le lendemain. Quel sera le vôtre dans les rues de Lausanne?