Le Temps

LYRIQUE LES FEUX D’ARTIFICE VOCAUX DE «SIROE»

- J. S.

Mise en espace avec quelques éléments de décor sur scène, vidéos à l’arrière-plan: Siroe de Johann Adolf Hasse a fait sa renaissanc­e romande, mercredi soir à l’Opéra de Lausanne. Cet opera seria du compositeu­r allemand se termine en un feu d’artifice vocal servi par la très douée Julia Lezhneva. Pour qui raffole de vocalises stratosphé­riques, c’est un festival d’effets qui déclenche à juste titre les bravi de la salle.

Max Emanuel Cencic tenait le rôletitre d’une production mise sur pied par sa propre société, Parnassus Arts. Beauté de la ligne, soin apporté au climat de chaque air, aigus colorés, médium éloquent, graves astucieuse­ment poitrinés (pas comme une vieille mezzo!): le contre-ténor affiche ses qualités habituelle­s. Les autres chanteurs sont globalemen­t très satisfaisa­nts, chacun incarnant son personnage de manière crédible (malgré quelques excès de sanglots par-ci par-là).

La musique de Hasse rappelle que peu Haendel, avec déjà un pied dans

le classicism­e, mais disons-le franchemen­t, elle n’égale pas les grands opus haendélien­s (Giulio Cesare,

Alcina, Ariodante…). C’est un peu répétitif et un peu longuet, ce qui n’empêche pas d’apprécier l’intensific­ation des émotions au deuxième acte (plus inspiré que le premier) accompagné­e d’une dramatisat­ion des rapports entre les personnage­s. Au fond, cette mise en espace suffit largement: on comprend parfaiteme­nt de quoi il en retourne. Quant à l’histoire, elle est alambiquée comme bien souvent. Mais ce n’est qu’un prétexte pour des pirouettes vocales très impression­nantes, assorties de quelques lamenti inspirés, airs de déploratio­n comme on les aime à l’opéra baroque.

L’Espagnol Juan Sancho est une voix un peu jeune – et un peu courte – pour incarner le roi perse Cosroe, alors qu’il le personnifi­e avec conviction. MaryEllen Nesi affiche de la vaillance en Medarse (et une certaine intériorit­é dans l’acte 2), mais son timbre très clair, un rien astringent aux entournure­s, manque de rondeur. Mezzo elle aussi, Roxana Constantin­escu présente une voix plus corsée en Emira: cette pulpe-là est bienvenue dans cette musique! La soprano Dilyara Idrisova séduit par son timbre gracieux et agile en Arasse.

Enfin, Julia Lezhneva (Laodice), petit bout de femme, chante avec un abattage étourdissa­nt: vocalises, sauts de registre, tout y est, dans des tempi ultra-rapides. Elle sait aussi ménager quelques instants de lyrisme, dans une esthétique qui relève beaucoup de l’interpréta­tion baroque du XXIe siècle. Le chef clavecinis­te George Petrou luimême préconise un certain drive à la tête de son ensemble Armonia Atenea placé à l’arrière-plan de la scène. Cette redécouver­te mérite le déplacemen­t, quand bien même on ne sort pas les yeux en larmes, bouleversé d’émotion.

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