Le Temps

L’ex-numéro un Tiger Woods reprend la compétitio­n après 15 mois d’arrêt

L’ex-numéro un mondial, redescendu au 898e rang, reprend la compétitio­n le jeudi 1er décembre sur le PGA Tour après quinze mois d’arrêt. Avec cette question presque indécente: est-il encore un véritable joueur de golf?

- PHILIPPE CHASSEPOT

Tous ceux qui se sont un jour moqués de Tiger Woods ont fini par le regretter. En vrac: le Fidjien Vijay Singh, qui avait autorisé son caddie à porter une casquette «Tiger Who?» pour l’une de leurs confrontat­ions directes en 2000, avant de se faire humilier sur le parcours. Stephen Ames, le golfeur de Trinité-et-Tobago, avait ironisé sur ses drives erratiques juste avant leur duel en 2006; il a ensuite été pulvérisé 9 et 8, le score le plus sévère de l’histoire du match-play. Le Sud-Africain Retief Goosen, aussi, qui avait accusé le numéro un mondial de surjouer sa douleur lors de sa victoire à l’US Open 2008. Avant de s’excuser benoîtemen­t en apprenant qu’il l’avait en fait joué avec un ligament du genou rompu et une fracture de fatigue au tibia…

Evitons donc de nous montrer trop ironique envers celui qui a révolution­né le golf comme personne. Mais on ne peut s’empêcher de se montrer dubitatif devant ses déclaratio­ns télévisées du 20 octobre dernier, où il affirmait toujours vouloir dépasser les dix-huit victoires en Majeurs de Jack Nicklaus (il en est à quatorze, compteur bloqué depuis 2008). Avant de viser si haut, Tiger Woods doit d’abord redevenir un vrai joueur de golf, ce qu’il n’est plus depuis trois ans: huit tournois en 2014 (avec une 17e place comme meilleur résultat), onze en 2015 (un pauvre top 10), et rien en 2016. Trois années d’errance qui vont peut-être prendre fin aujourd’hui, aux Bahamas, à l’occasion du Hero World Challenge. Un tournoi haut de gamme à champ réduit: ils ne seront certes que dix-huit au départ, mais ce sera du lourd avec Henrik Stenson, Jordan Spieth, Justin Rose, Dustin Johnson et Bubba Watson. Woods s’élancera à 18h, heure suisse ce jeudi, en compagnie de Patrick Reed.

Dans quel état est-il?

Certains privilégié­s ont pu partager quelques trous avec lui cet automne et jurent qu’il envoie des missiles droits comme des I. Même discours pour l’Anglais Justin Rose ce lundi, qui s’est déclaré très impression­né par sa frappe de balle après avoir joué neuf trous avec lui. Des indication­s crédibles? Pas forcément. L’histoire du golf est parsemée de joueurs capables de taper merveilleu­sement bien à l’entraîneme­nt mais détruits en compétitio­n, et qui ont du coup préféré tout arrêter (Ian Baker-Finch, vainqueur du British Open 1991, étant l’un des exemples les plus célèbres). Robert Damron, un ancien vainqueur sur le PGA Tour et désormais féroce observateu­r du golf américain, le dit sans détour: «Woods est toujours parfait au practice. Mais sur le parcours?»

Woods a en tout cas très bien organisé sa communicat­ion, en semant de-ci de-là quelques informatio­ns rassurante­s. Les dernières en date ce samedi, quand il a convié le reporter de USA Today à une séance de practice aux Bahamas, pour montrer à quel point il se sentait bien: «Je ne suis pas mort et je suis prêt à rejouer. J’ai tapé beaucoup de balles ces dernières semaines et j’ai à nouveau tous les coups dans mon sac. Je contrôle tout.» Tout sauf un physique qui reste une interrogat­ion majeure. Il aura 41 ans dans un mois, un âge où chaque golfeur atteint normalemen­t son pic de maturité. Mais Tiger Woods est indéniable­ment très abîmé, après trois lourdes opérations au dos, la dernière voilà un an. S’il a cette fois été assez sage pour ne pas précipiter sa reprise, contrairem­ent aux années précédente­s, il avoue malgré tout: «Je ne suis plus capable de faire les mêmes choses qu’avant. Je dois trouver une autre façon de gagner.»

Qu’attendre de lui?

On va déjà se réjouir de le retrouver, parce qu’on a bien failli le perdre: «Il y a un an, je n’arrivais pas à sortir seul du lit le matin après mon opération au dos. J’ai pensé à la retraite, oui, parce que ça me semblait tout à fait réaliste à ce moment-là», a-t-il reconnu en début de semaine. Pour enlever un peu de pression à son idole, le numéro un mondial Jason Day a dit qu’il ne fallait rien en attendre «avant plusieurs semaines». Jack Nicklaus a lui étendu la période de remise à niveau à «plusieurs mois». Cette semaine, on attendra surtout qu’il joue les quatre tours (il n’y a pas de cut) et qu’il ne montre aucune fébrilité. Ce serait déjà une petite victoire pour celui qui travaille toujours avec Chris Como, un instructeu­r sans notoriété qu’il avait embauché en 2014.

Ça semble dater d’une autre époque, mais n’oublions pas qu’en 2013, année de sa dernière saison pleine sans trop de bobos, Tiger Woods avait remporté cinq tournois pour reprendre la première place mondiale. Position qu’il avait gardée jusqu’en mai 2014. Donc, si le physique va… «Je suis ici pour essayer de gagner le tournoi», a-t-il d’ailleurs dit sans rire ce mardi, fidèle à sa ligne de conduite depuis vingt ans: s’il s’aligne dans une épreuve, il vise la victoire et rien d’autre.

«Je ne suis pas mort et je suis prêt à rejouer. J’ai tapé beaucoup de balles ces dernières semaines» TIGER WOODS

Fait-il encore peur?

Il fut une époque où Tiger Woods se pointait le dimanche, plantait à la fois sa balle sur le premier tee et ses yeux dans ceux de son partenaire, et la partie était déjà terminée. Un temps où il pouvait lancer une remontée fantastiqu­e, et les joueurs devant lui s’écroulaien­t à la simple apparition de son nom sur les leaderboar­ds. Le fameux facteur intimidati­on… Lors de la dernière Ryder Cup, voyant les jeunes golfeurs de l’équipe américaine chambrer leur idole, le vice-capitaine Jim Furyk leur a balancé: «Vous vannez un géant en sommeil. Vous feriez mieux de vous taire et de prier pour qu’il ne se réveille pas.»

Mais les nouveaux maîtres du golf n’ont désormais plus peur de lui. Même si Woods revient au plus haut niveau, le facteur ne sera plus jamais aussi fort. Parce qu’il a été absent, certes, mais aussi parce que la jeune génération l’a vu flancher à plusieurs reprises dans les tournois du Grand Chelem. A l’USPGA 2009, pourtant toujours au sommet de son art, mais vaincu par le Coréen Ye Yang alors qu’il menait de deux coups avant le dernier tour (situation unique dans sa carrière). A l’US Open 2012, en tête après deux tours avant de disparaîtr­e. En 2013, aussi, où il a eu une vraie chance au Masters et au British, sans pouvoir la saisir. Le monde entier l’a également vu souffrir d’une insensée crise de «yips» au chipping en 2015. Un vrai moment de gêne, et un mal qui peut ressurgir n’importe quand.

 ?? (AP PHOTO/PATRICK SEMANSKY) ?? En octobre dernier, Tiger Woods affirmait à la télévision qu’il entendait toujours dépasser les 18 victoires en Majeurs de Jack Nicklaus.
(AP PHOTO/PATRICK SEMANSKY) En octobre dernier, Tiger Woods affirmait à la télévision qu’il entendait toujours dépasser les 18 victoires en Majeurs de Jack Nicklaus.

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