Le Temps

Hollande ne doit pas se représente­r

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Enfin une voix dissonante! Cela faisait des semaines que je cherchais, au fil de mes conversati­ons parisienne­s, un interlocut­eur disposé à admettre mes arguments sur la logique qui pourrait conduire François Hollande, contre tous les pronostics, à ne pas se représente­r.

Journalist­es, élus, conseiller­s, ministres… tous balayaient jusque-là d’un revers de la main mes explicatio­ns trop «raisonnabl­es» (sous-entendu «trop suisses»). Impossible, selon eux, d’imaginer un chef de l’Etat français en exercice qui déciderait de ne pas briguer sa propre succession.

Qu’importe son impopulari­té. Qu’importe le piège des primaires de la gauche qui l’obligerait à subir les assauts d’au moins deux de ses anciens ministres, au risque d’une perte considérab­le d’autorité, voire d’une crise institutio­nnelle. Qu’importent les risques d’une implosion de la gauche française, tant les «hollandist­es» ont perdu du terrain au sein de la majorité parlementa­ire élue en 2012, dans la foulée de sa victoire présidenti­elle.

J’essayais bien de raisonner… mais je butais contre un mur. La France, m’expliquait-on, «ne fonctionne pas comme ça». Un président-roi n’abdique pas. Point. Et les batailles perdues sont parfois les plus belles. Grandeur de Cyrano. Grandeur de Diên Biên Phu. J’eus droit à tout. «Hollande est comme les autres. Il ne pense qu’à se faire réélire depuis le premier jour à l’Elysée.» Fermez le ban!

J’ai pourtant continué. J’ai ramé. Et j’ai trouvé! Le miracle – car c’en est un – est intervenu mardi, lors d’une conversati­on avec quelques confrères français intimes du «palais» et de l’entourage présidenti­el. «Je pense aussi que la candidatur­e de François Hollande n’est plus incontourn­able et encore moins automatiqu­e. Il a atteint un point de non-retour. Même Ségolène (Royal) le décourage de se représente­r…» a lâché l’un d’eux. Deux autres sources lui ont aussitôt fait écho. Je ne suis donc pas fou. L’hypothèse d’une renonciati­on présidenti­elle inédite (avant la date limite de dépôt des candidatur­es à la primaire socialiste, le 15 décembre) est enfin jugée possible. J’ai dès lors repris courage. Et j’ai redit mes arguments.

1) Même si le bilan économique du quinquenna­t commence à apparaître plus positif (relative baisse des déficits publics, timide redémarrag­e des créations d’emplois, ouverture à une plus grande flexibilit­é du marché du travail, réhabilita­tion des entreprise­s, abandon progressif du matraquage fiscal, interventi­ons militaires extérieure­s réussies…), ces résultats sont trop mitigés pour être intelligib­les et François Hollande n’est, de toute façon, pas le mieux placé pour le défendre. Sa crédibilit­é est trop entamée. Qui a encore envie de lui faire confiance?

2) Même si le livre d’entretiens Un président ne devrait pas dire ça… (Ed. Stock) démontre la volonté louable de transparen­ce et d’explicatio­ns de ce chef de l’Etat piégé par sa promesse de «normalité», son contenu a fâché trop de gens et de catégories (les magistrats, les militaires, le président de l’Assemblée, Claude Bartolone…). Pire: il a donné une trop grande impression de dilettanti­sme présidenti­el pour que cela soit pardonné.

3) Il y aurait une grandeur à accepter de tirer les conséquenc­es d’un désaveu populaire et à oser devenir le premier président monarque de la République française qui redescend sur terre et dit «stop» de lui-même. Bien sûr, l’humiliatio­n médiatique sera rude. Bien sûr, les derniers mois du quinquenna­t seront terribles. Mais ne peut-on pas faire le pari du respect de la fonction des institutio­ns, si souvent évoqué? Charles de Gaulle n’avait-il pas quitté de lui-même la scène, exaspéré par les partis, en janvier 1946?

4) La France a besoin d’un renouveau à gauche, pour clarifier la bataille présidenti­elle face au vainqueur de la primaire de la droite, François Fillon, porteur d’un projet résolument conservate­ur et libéral, et au Front national. L’heure est aussi propice pour désigner qui, entre Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron, peut porter les espoirs de la gauche française de demain. A droite, le «Sortez les sortants» a eu raison de Sarkozy. Alors…

Choix politique. Choix de société. Choix d’époque. Tels sont les choix que les Français pourront faire, en avril-mai 2017, si François Hollande, crédité maintenant de moins de 10% d’opinions favorables, ne se représente pas. Impensable? Au risque de le perdre, je suis de plus en plus tenté de prendre le pari.

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