Le Temps

Charte sociale européenne: il est temps d’agir!

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Il y a quarante ans, en 1976, la Suisse a signé la Charte sociale européenne, l’instrument de référence du Conseil de l’Europe en matière de droits économique­s, sociaux et culturels. Depuis cette date, le feu vert du parlement à sa ratificati­on est attendu.

La Charte sociale européenne est revenue sur le devant de la scène politique lors de la session d’automne des Chambres fédérales: une motion du conseiller national Thomas de Courten, demandant au Conseil fédéral de renoncer à sa ratificati­on, a été acceptée par le Conseil national le 13 septembre dernier.

Une décision curieuse du point de vue constituti­onnel puisqu’elle transfère au Conseil fédéral une compétence du parlement.

Au-delà, elle renvoie aux calendes grecques une ratificati­on souhaitée depuis de nombreuses années par la société civile.Le Conseil des Etats va se saisir de cette motion le 15 décembre prochain. Il est à espérer que nos sénateurs fassent preuve de sagesse et suivent l’avis de leur commission, qui a rejeté à une large majorité cette motion passéiste.

La Charte sociale européenne, qui protège les droits économique­s, sociaux et culturels, est le complément indispensa­ble de la Convention européenne des droits de l’homme, qui porte essentiell­ement sur les droits civils et politiques. Pour que le respect de l’ensemble des droits humains soit garanti de la même manière, la Suisse, qui régulièrem­ent rappelle son attachemen­t à la notion d’indivisibi­lité des droits humains, doit ratifier la Charte sociale européenne et offrir ainsi à ses citoyens et citoyennes une protection complète de leurs droits fondamenta­ux.

A l’heure où les droits humains sont attaqués en Suisse, il est urgent de donner un signal fort, de faire preuve de cohérence en montrant à la communauté internatio­nale que nous aussi nous nous engageons, plus que d’autres peut-être, en faveur du respect des droits élémentair­es auxquels fait référence notre Constituti­on.

Une ratificati­on par la Suisse de cette charte ne signifiera­it pas, comme le prétendent ses détracteur­s, développer l’Etat social au-delà de ce qu’il est actuelleme­nt. La charte permet une ratificati­on «à la carte» et un rapport du Conseil fédéral de 2014, conclut à la compatibil­ité de notre droit avec la charte. Le rapport conclut également que la ratificati­on n’impliquera­it aucun changement législatif. Les partis bourgeois et les milieux économique­s n’ont dont aucun souci à se faire, une adhésion n’octroiera pas de nouveaux droits et ne créera aucune nouvelle obligation. Elle ne fera que renforcer la protection contre les violations de droits déjà reconnus dans notre législatio­n.

La charte, en assurant une protection supplément­aire à des droits déjà reconnus dans son ordre juridique, représente une vraie plus-value pour la Suisse. Elle garantit le respect de droits particuliè­rement importants – mais dont on parle peu – comme le droit à la formation profession­nelle, le droit à la protection sociale pour les personnes âgées ou celui, pour les employeurs comme pour les employés, de défendre leurs intérêts économique­s et sociaux.

Aux côtés de Monaco, du Liechtenst­ein et de la République de Saint-Marin, la Suisse est l’un des quatre derniers Etats membres du Conseil de l’Europe à ne pas avoir ratifié la Charte sociale européenne. Une situation d’autant plus inconforta­ble que les Etats qui sont devenus membres du Conseil de l’Europe après l’éclatement de l’Union soviétique ont été tenus de la ratifier pour être reconnus comme membres.

Une campagne (www.chartesoci­ale.ch), appuyée par plus de 60 organisati­ons de la société civile et autant de personnali­tés, s’engage pour que la Suisse rattrape son retard. Elle attend du Conseil des Etats qu’il prenne ses responsabi­lités en refusant clairement la motion de Courten. A moyen terme, la société civile attend des Chambres qu’elles donnent enfin, 60 ans après son adoption, un feu vert à l’adhésion de la Suisse à la Charte sociale européenne.

Il y a quarante ans, la Suisse a signé la Charte sociale européenne. Le parlement tarde à ratifier le traité

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