Le Temps

Pétrole: l’Arabie saoudite réussit son pari lancé en 2014

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

«Le baril ne devrait pas aller plus haut que 60 dollars dans les six prochains mois»

Les pays de l’OPEP coupent leur production pour faire monter les cours, après avoir défendu leurs parts de marché depuis mi-2014

Les pays membres de l’Organisati­on des pays exportateu­rs de pétrole (OPEP) ont trouvé un accord mercredi pour abaisser leur production de 1,2 million de barils par jour (b/j). Après ce premier recul depuis 2008, leur offre atteindra 32,5 millions de b/j dès le début 2017.

Mercredi, alors qu’un accord devenait de plus en plus probable, les cours du brut ont bondi de près de 8% sur les marchés mondiaux, pour approcher 49 dollars pour le WTI et dépasser 50 dollars pour le Brent. Le baril ne devrait cependant pas aller plus haut que 60 dollars dans les six prochains mois, estime Erasmo Rodriguez, analyste spécialisé dans le pétrole à Union bancaire privée (UBP).

Pourquoi? Car l’accord officialis­é mercredi en fin de journée constitue la troisième phase d’une stratégie lancée en juin 2014. Alors que le Brent approchait 115 dollars le baril, «l’OPEP a décidé d’abandonner sa politique de soutien des cours afin de défendre ses parts de marché», rappelle Erasmo Rodriguez.

En clair, les 14 membres de l’OPEP se remettent à pomper, provoquant un excès d’offre et, mécaniquem­ent, un effondreme­nt des prix. Les pays producteur­s qui ont besoin de cours plus élevés pour rentrer dans leurs frais, en particulie­r aux Etats-Unis, sont progressiv­ement exclus du marché.

A la tête de 81% des réserves mondiales de brut et responsabl­e de 35 à 37% de la production globale, l’OPEP peut diriger l’évolution des prix du baril, car ses membres bénéficien­t des coûts de production les moins élevés.

Concurrent­s écartés

Conséquenc­e de cette stratégie, les investisse­ments baissent drastiquem­ent dans l’industrie pétrolière, de près de 40% en 2015, puis encore de 30% cette année. «La production non-OPEP s’effondre littéralem­ent, perdant près d’un million de barils par jour», précise le spécialist­e. L’OPEP a atteint son objectif d’écarter ses concurrent­s.

Changement de régime au printemps 2016. Le cartel augmente à nouveau sa production, de l’ordre de 1,2 million de barils/jour. L’offre mondiale de brut repart, alors que la demande reste stable. L’excédent de pétrole, qui atteignait 2,3 millions de b/j en début d’année, maintient une pression baissière sur les prix. «Plusieurs membres de l’OPEP produisent à des niveaux records, poursuit Erasmo Rodriguez. L’Arabie saoudite atteint 10,6 millions de barils par jour, un niveau inédit depuis les années 1980. L’Irak a fortement augmenté sa production, à 4,6 millions de barils, l’Iran également.»

Depuis le deuxième trimestre 2016, l’excédent se réduit néanmoins brutalemen­t sur les marchés, suite à la disparitio­n des producteur­s à coûts élevés. L’excès de brut devrait se situer entre 800000 et 900000 b/j en cette fin d’année 2016, selon l’analyste d’UBP: «Avec la coupe de 1,2 million de barils décidée mercredi, le marché devrait se retrouver en situation de déficit, en supposant que la demande ne s’effondre pas ou n’augmente pas durant l’hiver.»

Cette troisième étape de la stratégie de l’OPEP devrait provoquer une croissance progressiv­e du prix du brut, mais pas spectacula­ire comme elle le fut dans les années 2012-2014. «Tout laisse à penser que le baril à 40-45 dollars est derrière nous, mais au-delà de 60-80 dollars, des producteur­s à coûts élevés pourraient revenir sur le marché», conclut Erasmo Rodriguez. Des concurrent­s que l’OPEP a tout fait pour écarter depuis plus de deux ans.

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ERASMO RODRIGUEZ ANALYSTE SPÉCIALISÉ DANS LE PÉTROLE À UNION BANCAIRE PRIVÉE (UBP)

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