Le Temps

Des rendements attrayants

Les institutio­ns suisses de prévoyance sont toujours plus nombreuses à exploiter les opportunit­és de rendement à l’aide de crédits subordonné­s aux PME

- KURT SPECK

L’environnem­ent durable des taux bas est un défi pour les caisses de pension. Elles doivent améliorer leurs gains afin de remplir leurs engagement­s à l’égard de leurs assurés. Les investisse­ments traditionn­els dans des titres à revenu fixe ne rapportent pratiqueme­nt plus rien, ou même, coûtent en raison des intérêts négatifs. Aussi s’agit-il de dénicher des investisse­ments alternatif­s à l’aide desquels il y a moyen d’optimiser quelque peu le rendement global, étant entendu qu’il y a certains risques.

En font partie les emprunts subordonné­s aux entreprise­s, ce qu’on appelle en jargon les financemen­ts mezzanine. La notion dérive de l’architectu­re italienne et signifie quelque chose comme «entresol». Transposée à l’univers de la finance, c’est pour le financeur une forme mixte attrayante entre capital propre et étranger. Les institutio­ns de prévoyance montrent toujours plus d’intérêt pour cet octroi de crédit. «Nous avons fait de bonnes expérience­s», confirme Hansjörg Sommerau, CEO chez Tavis Capital. Voilà bien une année que sa société a lancé auprès des PME son Schweizer Kreditfond­s I, principale­ment financé par des caisses de pension.

Ces dernières années, les prescripti­ons plus strictes en matière de fonds propres ont valu un solide essor au transfert du risque de crédit sur un plus grand nombre d’investisse­urs. Les gestionnai­res de fonds issus de la prévoyance profession­nelle sont désormais plus nombreux à exploiter les opportunit­és de rendement des crédits subordonné­s. Dans le KMU-Kreditfond­s doté de 120 millions de francs, le taux d’intérêt est basé sur le Libor franc suisse à 3 mois, additionné d’un supplément de 10 à 12% découlant du risque.

Le financemen­t mezzanine occupe déjà une forte position dans le monde anglo-saxon, mais l’Europe continenta­le rattrape son retard. Pour la Suisse, Hansjörg Sommerau prévoit un fort potentiel. Ce sont surtout d’importante­s caisses de pension qui exploitent cette classe d’allocation à fort rendement. Dès que le portefeuil­le sera complété par 25 à 35 investisse­ments, diversifié par secteurs industriel­s et régions, Tavis Capital envisage de lancer un nouveau KMU-Kreditfond­s.

Du côté du récipienda­ire de capital, il y a beaucoup d’avantages. Grâce au caractère subordonné du crédit, celui-ci peut être comptabili­sé parmi les fonds propres et renforce donc le bilan. «C’est utile quand on est en rapide croissance», admet Michael Stemmle. Son entreprise, Additiv, qui développe des innovation­s numériques et des modèles d’affaires pour prestatair­es financiers, a toujours été profitable depuis sa fondation il y a cinq ans. Dans ce laps de temps, l’effectif du personnel a quadruplé à 120 collaborat­eurs. Et son expansion se poursuit sur un marché bancaire en rapide mutation.

Pour ses projets de croissance actuels, Additiv s’appuie sur un financemen­t mezzanine du KMU-Kreditfond­s. Ce faisant, l’indépendan­ce du prestatair­e de services reste entière face à l’industrie de la finance. Comme l’exprime Michael Stemmle: «Nous pouvons continuer de croître de façon autonome sans que quiconque ne s’en mêle.» Il lui importe également qu’il n’y ait pas dilution de l’actionnari­at dans son entreprise.

Avant que Tavis Capital n’accorde un crédit subordonné, l’entreprise doit se soumettre à un examen détaillé de due diligence. L’analyse est réalisée par des experts du crédit et, en général, accompagné­e par des vétérans de la branche concernée. Pour le CEO d’Additiv, ce fut un processus d’apprentiss­age utile qui a contribué à un controllin­g financier plus attentif. Le fondateur ne compte plus son entreprise au nombre des start-up qui dépendent du capital-risque. Dans le business developmen­t et les solutions IT, Additiv fait désormais partie des acteurs en vue. En concurrenc­e avec des géants comme Oracle, sa PME dispose d’un avantage puisqu’elle a avec Tavis Capital un financeur soutenu par de gros investisse­urs, les caisses de pension. En outre, Additiv ne risque pas un conflit d’intérêts, qui serait en revanche programmé s’il était client d’une banque. Pour la jeune entreprise en croissance rapide, le financemen­t mezzanine engrangé élève les lignes de crédit: il n’y a pas d’obstacle à un supplément de capital étranger en vue de l’expansion.

Avec cette nouvelle forme de financemen­t, des sources de gain intéressan­tes s’offrent aux caisses de pension, qui autorisent des rendements supérieurs à la moyenne. Le Schweizer KMU-Kreditfond­s I génère un revenu d’intérêts basé sur le Libor franc suisse à 3 mois, plus 12% bruts. L’objectif de rendement net pour l’investisse­ur, après déduction du spread de risque de 2,5% pour défaillanc­e éventuelle et des coûts de TER (total expense ratio) de 1,5%, se situe au Libor à 3 mois plus 8%. Sur le marché des US Dollar Senior Secured Loans, le rendement est bien 3% plus bas, compte tenu de la couverture de change. Pour le patron de Tavis Hansjörg Sommerau, c’est limpide: «Le risque accru dans le produit mezzanine suisse est compensé par une prime de risque.»

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