Tant de rentiers millionnaires, tant de renti
Les clichés sur les «vieux pauvres» et les «riches rentiers» sont aussi vrais que faux
La pauvreté au troisième âge s’accroît, se plaignent diverses organisations de gauche et de retraités qui exigent une adaptation de l’AVS et du 2e pilier. Mais beaucoup de retraités fortunés réussissent à continuer d’épargner, rétorque la droite, qui met en garde contre la revalorisation d’un système de retraites qui est manifestement au bord du gouffre.
Il y a de bons arguments de part et d’autre: le fait est que le nombre de bénéficiaires de rentes complémentaires (RC) augmente de 5000 unités chaque année. De plus, on compte désormais environ 315000 habitants en Suisse dont la rente AVS ne suffit pas à assurer une retraite digne, comme le souligne l’organisation de retraités ConvivaPlus, proche des syndicats. nombre augmente rapidement est aussi lié à des conditions sociales différentes: autrefois, beaucoup de personnes âgées hésitaient à demander des rentes complémentaires, même si elles y avaient droit. De nos jours, ils sont nombreux à y voir une prestation d’assurance comme n’importe quelle autre. On y recourt aussitôt que le certificat d’impôt le permet.
Il faut en outre se demander si une demande de RC équivaut bien à un état de pauvreté. Cantons et communes paient en moyenne 1600 francs par bénéficiaire de PC pour le loyer, l’assurance maladie et autres frais de santé. S’y ajoutent 2000 francs de l’AVS pour les personnes seules et 3000 pour les couples, ce qui donne un revenu de 3600 ou 4600 francs par mois. Ce n’est certes pas énorme, mais suffisant en Suisse pour assurer une existence sans détresse. C’est en tout cas davantage que ce qu’ont à disposition des personnes effectivement pauvres en Suisse. En font partie avant tout de jeunes mères élevant seules leur(s) enfant(s) (voir infographie), auxquelles il est difficile d’expliquer pourquoi elles n’auraient pas droit aux PC et doivent demander l’aide sociale.
Par ailleurs, selon Pro Senectute, la Suisse compte 140000 millionnaires à l’âge de la retraite, soit plus de la moitié des millionnaires vivant en Suisse. Conclusion sommaire de beaucoup de médias face à l’étude de Pro Senectute: 12% des rentiers AVS vivent dans la pauvreté, tandis que 9% ont une fortune de plus d’un million.
Mais les choses ne sont pas aussi simples: le nombre total des millionnaires en Suisse est bien supérieur à ce qu’indique la statistique sur la fortune. Car on n’a pas compté les avoirs de rente dans l’AVS, les 2e et 3e piliers, qui constituent pour la plupart des gens en Suisse la majeure partie de leur fortune. Et il n’est pas assez tenu compte de la fortune sous forme de propriété immobilière, parce qu’elle est comptabilisée sous la rubrique valeur fiscale, comme le souligne le think-tank Avenir Suisse. Or la valeur de marché d’une propriété est en moyenne plus élevée de près de la moitié.
En outre, il est parfaitement normal que le nombre de millionnaires âgés augmente: le nombre de rentiers étant à la hausse, celui des millionnaires parmi eux aussi. Et ils ont eu pas mal de temps pour épargner: à partir de 55 ans, la part d’épargne augmente notablement: les enfants sont hors du nid, les frais diminuent et, à ces âges-là, les revenus atteignent leur maximum. Si l’on y ajoute les successions laissées par des personnes très âgées à de jeunes retraités – et non à la génération active – il est plausible que le nombre de millionnaires paraisse hors de proportion à l’âge de la retraite.
C’est pourquoi Philippe Wanner, démographe à l’Université de Genève, recommande de redistribuer la rente AVS des riches aux pauvres et non plus des jeunes aux vieux. Un sondage réalisé par Vimentis, une association qui se
«La Suisse compte 140000 millionnaires à l’âge de la retraite»
compose surtout d’étudiants de l’Université de Saint-Gall, montre à son tour ce que la majorité de la population voudrait changer: 53% des personnes interrogées veulent relever l’impôt sur la fortune et même 61% trouvent qu’il faudrait diminuer la rente AVS des personnes très fortunées.
De telles idées n’ont politiquement aucune chance. Dans le débat sur la Prévoyance vieillesse