Le Temps

La «Health Valley» romande pleine de vigueur

La vallée des sciences de la vie de Suisse occidental­e est plus dynamique que jamais. Mais ses acteurs réclament à la Berne politique une améliorati­on des conditions-cadres

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

La vallée des sciences de la vie de Suisse occidental­e, qui compte 935 entreprise­s et pèse 25000 emplois, tire un bilan positif de son développem­ent récent. Mais ses responsabl­es demandent à Berne l’établissem­ent de meilleures conditions­cadres.

En toile de fond, une grande carte de la Health Valley de Suisse occidental­e, sur laquelle figurent des instituts de recherche, des investisse­urs, des structures d’aide au financemen­t, et surtout les près de 1000 sociétés qui font de cette région un pôle au rayonnemen­t internatio­nal. Au terme de la première semaine de session, ses acteurs sont venus présenter à Berne leur bilan en présence du président de la Confédérat­ion et ministre de l’Economie Johann Schneider-Ammann.

«La Health Valley, c’est nouveau, ça?», interrogea­it un élu alémanique qui passait à la Galerie des Alpes du Palais fédéral avant d’aller déjeuner juste à côté. Non, ce n’est pas nouveau, mais l’anecdote est révélatric­e. Les Alémanique­s ignorent généraleme­nt que l’arc lémanique – et toute la Suisse occidental­e dans son sillage – a développé un réseau impression­nant de compétence­s dans le domaine des sciences de la vie. Au total, 935 sociétés offrant 25000 emplois, dont quelque 5000 chercheurs et scientifiq­ues spécialisé­s, font de cette région l’une des plus dynamiques du monde dans ce secteur.

Plus de 540 millions de francs déjà injectés en 2016

«Je suis impression­né. Je vous félicite d’avoir réalisé cet écosystème fantastiqu­e», s’est réjoui Johann Schneider-Ammann en contemplan­t cette carte avant de remercier le président de l’EPFL Patrick Aebischer, l’un des principaux artisans de ce succès.

Les chiffres des investisse­ments sont jugés plus réjouissan­ts que jamais. En 2016, 540 millions ont déjà été injectés dans cette région durant les dix premiers mois de l’année. «La Suisse romande est devenue un modèle de développem­ent pour la Suisse», note Fathi Derder, le président du Réseau, un lobby se mobilisant pour les start-up. Aujourd’hui, il ne viendrait plus à personne l’idée de traiter les Romands de «Grecs de la Suisse», comme l’avait fait le magazine Die Weltwoche voici quelques années.

Alors, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes? Eh bien non, justement. C’était d’ailleurs le principal message lancé à la Berne politique lors de cet événement. A l’heure de la révolution numérique, les rythmes s’accélèrent. Pas question donc de s’endormir sur ses lauriers.

Besoin de carburant

«Le moteur est là, mais il a besoin de carburant», souligne Pierre Maudet, président de la Conférence des chefs de départemen­t de l’économie publique (CDEP) de Suisse occidental­e. Ce carburant, c’est aux politiques de le fournir sous la forme de bonnes conditions-cadres. Elles ne sont pas idéales en ce moment, surtout depuis que le peuple a approuvé l’initiative de l’UDC «Contre l’immigratio­n de masse» le 9 février 2014.

A la suite de cela, le Conseil fédéral a abaissé le contingent des permis de travail (B et L) pour les pays tiers, soit extra-européens. Il l’a d’abord réduit de 8500 à 6500, avant de le relever tout récemment à 7500. Une correction bienvenue, mais largement insuffisan­te aux yeux de Pierre Maudet. «Il faut déplafonne­r ce contingent pour attirer des talents du monde entier», estime-t-il.

«Les talents, ce n’est pas de l’immigratio­n de masse», renchérit Fathi Derder, qui soulève un autre problème. «Je n’ai pas le sentiment que le Secrétaria­t d’Etat aux migrations ait une grande sensibilit­é pour les questions économique­s», remarque-t-il. Ses priorités sont trop axées sur l’asile et les dangers que le flux des migrants inspire au monde politique. «On ne pense pas assez aux opportunit­és que peut représente­r l’immigratio­n.»

Cri du coeur

Autre cri du coeur sorti de la bouche des créateurs de start-up. «En Suisse, rien n’est fait pour les sociétés en croissance», déplore Jesus Martin-Garcia, président et directeur général de GeNeuro. Cette société biopharmac­eutique, l’un des leaders mondiaux dans le traitement des maladies auto-immunes et notamment de la sclérose en plaques, vient de lever 33 millions d’euros (environ 35,5 millions de francs) en entrant en bourse en France. Son patron a d’une part déploré le manque de culture du capital-risque en Suisse.

D’autre part, il a supplié le Départemen­t fédéral de l’économie de ne pas multiplier les tracasseri­es administra­tives, comme la comptabili­sation du temps de travail des employés. Dans les start-up constammen­t connectées avec le reste du monde, on travaille jour et nuit.

On peut imaginer que Johann Schneider-Ammann a été déchiré à l’écoute de ces propos. L’ex-industriel qu’il est a certaineme­nt acquiescé. Mais le ministre de l’Economie, aussi responsabl­e d’une récente ordonnance sur l’enregistre­ment de la durée du travail et même des pauses –, a dû moins apprécier la critique.

«Je suis impression­né. Je vous félicite d’avoir réalisé cet écosystème fantastiqu­e»

 ?? (LUCHSCHEN/123RF) ?? La Health Valley de Suisse occidental­e regroupe au total 935 sociétés représenta­nt 25 000 emplois.
(LUCHSCHEN/123RF) La Health Valley de Suisse occidental­e regroupe au total 935 sociétés représenta­nt 25 000 emplois.
 ??  ?? JOHANN SCHNEIDERA­MMANN PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRAT­ION
JOHANN SCHNEIDERA­MMANN PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRAT­ION

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland