Le Temps

La révolution culturelle bernoise

- MICHEL GUILLAUME @mfguillaum­e

Le 12 février, le peuple neuchâtelo­is a approuvé l’initiative «Pour deux hôpitaux sûrs, autonomes et complément­aires», infligeant ainsi une cinglante défaite à son Conseil d’Etat. Trois mois plus tôt, le 27 novembre 2016, le souverain bernois avait quant à lui plébiscité la politique du Conseil exécutif, rejetant massivemen­t une initiative visant à ancrer dans la loi le maintien de 14 hôpitaux régionaux. Le Jura bernois, qui aurait pu se sentir menacé, a exprimé la même confiance dans le système en place.

Comment expliquer ces décisions populaires aux antipodes l’une de l’autre, dans deux cantons voisins? Il vaut la peine de se pencher sur l’exemple bernois. En 2005, ce canton a décidé de transforme­r tous ses hôpitaux en sociétés anonymes de droit privé et d’en confier la responsabi­lité à un conseil d’administra­tion disposant d’une autonomie totale. Mais il ne s’agit pas là d’une démarche de privatisat­ion. Ces hôpitaux sont restés en mains publiques, celles du canton, et ne poursuiven­t pas de but lucratif.

Dans ce nouveau contexte, l’Hôpital du Jura bernois a su saisir sa chance. Ses responsabl­es ont quitté la posture des planificat­eurs raisonnant en termes de «taille critique»: la maternité de Saint-Imier – avec ses 370 naissances par an seulement – aurait été fermée si c’était le cas. Ils se sont posé la question du volume de prestation­s de base dont la population avait besoin, s’appuyant ensuite sur Bienne et l’Hôpital universita­ire de l’Ile à Berne pour les cas compliqués. Lorsqu’ils ont connu un problème de relève dans la radiologie, ils ont conclu un partenaria­t public-privé avec le groupe GSMN d’Antoine Hubert et Raymond Loretan. Mais l’Hôpital du Jura bernois a conservé la mainmise sur cet institut rentable, dont la moitié des bénéfices est réinvesti dans le service public.

Il n’est sans doute pas possible de transposer tel quel le modèle bernois à Neuchâtel. Mais peut-être pourrait-on s’inspirer de son esprit. En Suisse romande, la politique hospitaliè­re reste la chasse gardée des gouverneme­nts cantonaux. Au contraire, la démarche bernoise a consisté à dépolitise­r le pilotage des hôpitaux. Cent jours après être entré en fonction, le directeur de la Santé, Pierre Alain Schnegg, un UDC qui a présidé l’Hôpital du Jura bernois, a appelé à une «révolution culturelle» axée sur une «économie collaborat­ive». En d’autres termes, il faut surmonter l’opposition historique entre l’hôpital public et l’hôpital privé. C’est le défi auquel Neuchâtel doit désormais s’atteler d’urgence.

L’Hôpital du Jura bernois a su saisir sa chance

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