Le Temps

Le candidat François Fillon inculpé

- RICHARD WERLY, PARIS @LTWerly

Avec un jour d’avance sur le calendrier initialeme­nt prévu, François Fillon s’est rendu hier dans le bureau des juges d’instructio­n du pôle financier parisien. Il en est ressorti mis en examen pour «détourneme­nt de fonds publics» et «abus de biens sociaux». Le candidat LR a une fois de plus dénoncé une machinatio­n.

Mis en examen mardi, le candidat de la droite française à la présidenti­elle n’a pas répondu aux questions des juges. Son épouse sera à son tour auditionné­e le 28 mars

Les caméras ne l’auront pas filmé. Lorsqu’il entre, mardi matin, dans le bureau des juges d’instructio­n du pôle financier parisien, François Fillon est juste accompagné de ses avocats. La diversion a fonctionné. A sa demande, le rendez-vous avec les magistrats, annoncé pour ce mercredi, a été avancé de 24 heures.

Discussion? Non. Depuis la veille, le candidat de la droite à la présidenti­elle française sait qu’il va être mis en examen pour «détourneme­nt de fonds publics» et «abus de biens sociaux». Le juge Serge Tournaire, pilote de l’instructio­n aux côtés de deux autres magistrats, n’a pas jugé crédibles et suffisante­s les «preuves» apportées depuis l’ouverture de l’informatio­n judiciaire, le 24 février, par les défenseurs de l’ancien premier ministre, de son épouse et de deux de leurs enfants, Marie et Charles. François Fillon lit une déclaratio­n. Il réitère que sa présence s’explique par le «respect de l’institutio­n judiciaire». Il clame de nouveau son innocence, affirmant avoir employé sa femme et ses enfants en toute légalité. Puis il dénonce le calendrier «instrument­alisé pour nuire à sa campagne». Le reste est une formalité. L’inculpatio­n est prononcée.

Tout, cette fois, a été mis en scène, préparé, scripté par l’entourage du vainqueur de la primaire. Alors que Marine Le Pen snobe de son côté la justice en refusant de se rendre aux convocatio­ns dans l’affaire des faux assistants parlementa­ires européens du FN, François Fillon a voulu ce moment judiciaire le plus sobre possible. Il sait que Serge Tournaire a la réputation d’être implacable, mais juste. Le magistrat instructeu­r a renvoyé Nicolas Sarkozy en correction­nelle dans l’affaire Bygmalion du financemen­t de sa campagne présidenti­elle. Il a traqué les méandres de l’arbitrage Tapie. Inutile, par conséquent, de surjouer la victimisat­ion. Le député de Paris, persuadé que son camp conservate­ur serrera finalement les rangs autour de lui, préfère dérouler la séquence ouverte lundi par la présentati­on de son programme économique. Présumé innocent, il bénéficie en plus de l’immunité parlementa­ire. Il sait que s’il est élu à l’Elysée, les poursuites seront immédiatem­ent suspendues. L’objectif est d’arriver solide, le plus serein possible, le 20 mars, au premier débat télévisé entre les candidats.

François Fillon aurait pourtant bien des raisons de s’inquiéter. Car la charge des magistrats est sans équivoque. Le détourneme­nt de fonds publics est une infraction de taille pour une personnali­té politique de premier plan. Elle porte par excellence la marque de l’opprobre, et peut conduire à une peine allant jusqu’à 10 ans d’emprisonne­ment. Plus grave encore: le chef d’inculpatio­n d’abus de biens sociaux démontre que les juges ne croient pas non plus à la véracité des travaux effectués par sa femme au sein de la Revue des deux mondes possédée par l’influent milliardai­re conservate­ur Marc Ladreit de Lacharrièr­e. Des emplois supposés fictifs à l’Assemblée et au Sénat. Un emploi fictif dans le privé. Le tout, sur fond de nouvelles révélation­s, ces derniers jours, autour d’un prêt de 50000 euros non déclaré au fisc et de costumes sur mesure payés par un ami…

L’impact électoral immédiat va rester limité. Une enquête préliminai­re vient en plus d’être ouverte, mardi, sur une soirée de janvier 2016 à Las Vegas, à laquelle participai­t, dans le cadre de ses fonctions, l’ex-ministre Emmanuel Macron. Plus personne, maintenant, ne parle d’ailleurs de déboulonne­r Fillon au sein de la droite, où même les centristes sont rentrés dans le rang pour préserver leurs investitur­es législativ­es. La promesse faite le 26 janvier, de renoncer s’il était mis en examen est définitive­ment évanouie. Ce sera la justice ou les urnes.■

Tout, cette fois, a été mis en scène, préparé, scripté par l’entourage du vainqueur de la primaire

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(CHRISTIAN HARTMANN, POOL VIA AP) Alors que Marine Le Pen snobe de son côté la justice en refusant de se rendre aux convocatio­ns dans l’affaire des faux assistants parlementa­ires européens du FN, François Fillon a voulu ce moment judiciaire le plus sobre possible.

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