Le Conseil national refuse de contrer l’indépendance de la SSR
Le Conseil national défend l’indépendance de la SSR et refuse de s’arroger le droit de lui dicter ses missions
«Il semble que la SSR fasse partie de la protection du patrimoine», a lâché une Natalie Rickli (UDC) dépitée à l’issue du débat du Conseil national sur la SSR. Son parti et une majorité du groupe PLR ont tenté de confier au parlement la compétence d’octroyer la concession, mais en vain. C’est donc le Conseil fédéral qui conserve cette tâche.
Pas facile de suivre ce débat parfois très technique, portant sur une nouvelle notion encore inconnue voici quelques mois: durant ses travaux, la Commission des télécommunications et des transports (CTT) a proposé une «compétence duale» en matière d’octroi de la concession à la SSR. L’Assemblée fédérale aurait accordé une «concession-cadre», tel un conseil d’administration qui fixe la stratégie d’entreprise. Quant au Conseil fédéral, il aurait été responsable d’attribuer une «concession d’exploitation», telle une direction générale qui s’occupe de l’opérationnel. La CTT avait accepté cette motion, mais le Conseil national l’a rejetée par 99 voix contre 87.
«Tout déréguler»
Natalie Rickli a été la vedette incontestée du débat en raison de la triple casquette qu’elle porte. Elle est non seulement présidente de l’Action pour la liberté des médias, cadre chez Goldbach Media – une entreprise qui acquiert de la publicité pour des médias privés –, mais aussi présidente de la CTT du Conseil national. Raison pour laquelle les syndicats l’avaient priée de s’abstenir de participer au débat.
Après s’être offusquée du fait qu’il s’agissait là d’une «attaque frontale contre le parlement de milice», Natalie Rickli a planté quelques banderilles contre la SSR et son directeur général Roger de Weck. «Saviez-vous qu’à l’époque, la chaîne privée RTL avait envisagé d’ouvrir une fenêtre programmatique suisse dans ses programmes et qu’elle avait choisi ce même Roger de Weck, alors rédacteur en chef du Tages-Anzeiger, pour la diriger?» a-telle ironisé. Mais en 1994, le Conseil fédéral n’a pas autorisé cette démarche. Aujourd’hui, Natalie Rickli estime qu’il est grand temps de «tout déréguler à la SSR sur les trois plans, des contenus, de la technologie et du financement».
Le Conseil national ne l’a pas suivie. La gauche, mais aussi le PDC et une minorité de PLR n’ont pas voulu d’une «compétence duale» pour octroyer la
«Il n’y a aucune volonté de toucher au service public ici au parlement» PHILIPPE NANTERMOD (PLR/VS)
concession à la SSR. Une majorité du parlement plus nette que prévu y a décelé une tentative de mise sous tutelle de la SSR. «C’est un premier pas de l’ingérence du politique dans les contenus du service public», dénonce Jacques-André Maire (PS/NE). Le parlement aurait ainsi pu décider du nombre de chaînes par région linguistique ou encore du budget de la SSR. «Une telle démarche est extrêmement dangereuse. Elle va à l’encontre du mandat de service public dont l’élément clé est l’indépendance», a renchéri Adèle Thorens (Les Verts/ VD).
Le débat a montré deux choses: la fronde anti-SSR ne vient que de la Suisse alémanique, où quelques éditeurs privés caressent l’espoir d’affaiblir la SSR pour tenter de regagner une part plus importante du gâteau des recettes publicitaires. De plus, la CTT du Conseil national, qui a fait passer plusieurs motions très critiques envers la SSR, n’est plus représentative du plénum, où les minorités linguistiques s’allient pour faire échouer ces propositions.
«Il n’y a aucune volonté de toucher au service public ici au parlement», conclut Philippe Nantermod (PLR/VS), l’un des très rares Romands à soutenir l’initiative «No Billag» pour supprimer la redevance radio TV. Le problème selon lui, c’est que le parlement ne mesure pas l’actuelle vague de fond qui se produit avec la révolution numérique. «En votant le statu quo, il protège artificiellement le service public en prenant le risque que la SSR perde son public et donc sa raison d’être», avertit-il. ▅