Jura: en attendant Moutier
L’Hôpital du Jura a redessiné sa carte hospitalière dans la douleur, mais sans drame. Reste l’inconnue concernant la cité prévôtoise
Moutier divorcera-t-elle du canton de Berne pour rejoindre le canton du Jura le 18 juin prochain? Si oui, comment les deux sites de soins aigus, distants de 15 km seulement, se répartiront-ils les missions? Des deux côtés de la frontière actuelle, les acteurs de la santé observent un silence de plus en plus assourdissant à mesure que se rapproche cette échéance historique.
On les sent très soucieux de ne pas influencer un vote d’abord politique. Difficile pourtant. Au nord comme au sud, l’Hôpital du Jura (H-JU) et celui du Jura bernois (HJB) sont de gros pourvoyeurs d’emplois: 1300 collaborateurs pour le premier et 760 pour le second. Il faudra forcément rationaliser, mais personne ne veut jeter de l’huile sur le feu. Dans le Jura bernois, on perçoit une légère inquiétude. «Ce sera au propriétaire de prendre les décisions. Personnellement, j’ai beaucoup de questions sans réponses», déclare laconiquement le directeur de HJB Dominique Sartori.
Son collègue de H-JU Kristian Schneider se trouve dans la même incertitude: «Nous nous accommoderons du résultat des urnes.» Quant à son président du conseil d’administration, l’ancien ministre Philippe Receveur, il apporte tout de même cette précision: «En cas de oui, nous veillerons à respecter la structure à deux sites de l’Hôpital du Jura bernois, car l’entité de Saint-Imier compte pour les Jurassiens.»
80 nouveaux emplois
Quoi qu’il en soit, le Jura n’a pas attendu ce vote ni la nouvelle LAMal instaurant la libre circulation des patients et les tarifs au forfait pour redessiner sa carte hospitalière. Il l’a fait dans la douleur, mais sans drame. L’Hôpital du Jura (H-JU) a regroupé les soins aigus à Delémont, qui offre une maternité et un bloc opératoire fonctionnant 24h sur 24. Quant au site de Porrentruy, il a certes perdu ses soins aigus, mais il est devenu un centre de référence en matière de réadaptation et de rééducation. Cette nouvelle mission a permis de créer 80 emplois ces cinq dernières années, le nombre de collaborateurs étant passé à plus de 500.
«Nous avons clarifié les missions. Les réticences régionales ont en grande partie disparu», relève avec satisfaction le directeur de l’Hôpital du Jura Kristian Schneider. Sur le plan financier, l’H-JU ne réalise plus de pertes et peut financer ses principaux investissements. Il a touché 12 millions de prestations d’intérêt général sur un budget de 179 millions en 2016.
Sur le plan des collaborations, on sent l’H-JU tiraillé entre l’est et le sud-ouest. Le 28 février dernier, il annonce renforcer sa collaboration avec l’Hôpital universitaire de Bâle, mise en place en automne 2015. Pour les prestations complexes, il a créé un itinéraire de soins pour le patient obéissant à de sévères critères de qualité. Cela ne signifie pas qu’il se détourne des autres hôpitaux de l’Arc jurassien. «Il faudra se partager des médecins spécialisés, que ce soit dans l’hématologie, la radio-oncologie ou l’urologie, entre plusieurs hôpitaux de l’arc, de manière à maintenir les prestations de base à proximité des patients», envisage Kristian Schneider. ▅