La défiance, poison français
François Fillon peut encore être élu président de la République. Tel est, paradoxalement, la principale leçon à tirer de sa mise en examen survenue, à sa demande, un jour plus tôt qu’annoncé par des juges coopératifs et soucieux d’éviter les médias.
Imaginons en effet, comme le souhaitent ses partisans, que le candidat de la droite à la présidentielle triomphe de tous les obstacles, se qualifie pour le second tour, puis l’emporte en finale, par exemple contre Marine Le Pen.
Que restera-t-il alors? Un chef de l’Etat certes légitimé par le suffrage universel, mais plombé de manière indélébile par les accents populistes de sa campagne, par sa promesse non tenue de renoncer à l’Elysée en cas d’inculpation, et par sa réputation désormais établie d’élu beaucoup moins moral, éthique et transparent qu’il ne le prétendait.
Cette situation porte un nom: la défiance. Bien qu’il soit présumé innocent, François Fillon n’a pas été convoqué pour rien par les juges dans ce dossier au final assez simple. Les preuves apportées par ses avocats sur le travail de son épouse et de deux de leurs enfants n’ont tout simplement pas convaincu. Et les multiples révélations consécutives de la presse – d’un prêt non déclaré aux costumes offerts par un ami – forment un halo de doute.
C’est cette défiance qui est le poison car elle travestit le débat démocratique et alimente la suspicion généralisée. Fillon accusé de «détournement de fonds publics». Marine Le Pen prise la main dans le sac des faux assistants parlementaires européens. Et maintenant, Emmanuel Macron en butte à une enquête préliminaire sur une soirée donnée à Las Vegas en janvier 2016. Le pessimisme et le cynisme hexagonaux trouvent là un bien regrettable carburant.
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