Le Temps

Pas de populisme sans mécontente­ment populaire

- OLIVIER FELLER CONSEILLER NATIONAL PLR VAUD

Le populisme qui monte en Europe et ailleurs n’est qu’un symptôme. C’est l’expression politique, pour ne pas dire l’exploitati­on grossière, d’un mécontente­ment populaire qui ne trouve pas d’autre soupape, d’autre moyen de s’évacuer. Mais si l’on veut combattre le populisme, rien ne sert de lui intenter chaque jour un procès en sorcelleri­e. Il faut d’abord reconnaîtr­e le mécontente­ment populaire et s’intéresser à ses causes.

La vérité, c’est que les motifs d’exaspérati­on de la population ne manquent pas. Il y a d’abord le comporteme­nt de certaines élites politiques, davantage portées à occuper les postes et à se remplir les poches qu’à tenter de résoudre les problèmes de leurs concitoyen­s. Le sommet atteint dans ce domaine en France voisine, de l’affaire Cahuzac à l’affaire Fillon, illustre un mal profond auquel la Suisse a réussi à échapper. Par contre, nous n’échappons pas, malgré l’adoption de l’initiative Minder, aux rémunérati­ons abusives et autres bonus dont les dirigeants de quelques grandes multinatio­nales croient pouvoir gratifier leurs talents supposés. Il paraît que, sans de telles largesses, ces grandes entreprise­s ne pourraient recruter que des minables pour les diriger. On ose imaginer le désastre quand on voit les résultats que les tenants des grandes écoles de management parviennen­t à obtenir entre délocalisa­tions, licencieme­nts, restructur­ations et ventes à quelques entreprise­s de l’Etat chinois.

Qu’il y ait des riches, des moins riches et des plus pauvres, ce n’est pas ce qui choque l’opinion. Ce qui la heurte, c’est l’augmentati­on progressiv­e des écarts, qui risque de menacer la cohésion sociale. Il y a aussi le ras-le-bol des habitants de territoire­s périphériq­ues délaissés par rapport aux grands centres urbains. Cela saute aux yeux notamment en Italie et en France. Mais, même dans un petit pays comme le nôtre, la récente réaction de la population de La Chaux-deFonds est un signal d’alerte à cet égard.

De son côté, la classe moyenne dit de plus en plus fort qu’elle en a assez de payer pour tout le monde. Le poids des prélèvemen­ts obligatoir­es, impôts, taxes et autres primes d’assurance, est d’autant moins accepté que les signes de blocage se multiplien­t. L’impression qu’on vit moins bien que ses parents n’est pas seulement une histoire qu’on se raconte. Il est effectivem­ent plus difficile de trouver un job à la sortie de ses études, aussi longues soient-elles. Il est plus difficile de faire des économies, plus difficile de faire fructifier son épargne. Avant, ce n’était certes pas tous les jours dimanche, mais au moins on pouvait dire chaque année «ça va mieux» et c’était vrai.

Autre dilemme: de nombreux clignotant­s montrent que notre société se dégrade. Malgré les importants projets d’investisse­ments que la Confédérat­ion et les cantons ont récemment réussi à faire aboutir, les infrastruc­tures sont aujourd’hui encore trop souvent saturées. Les prestation­s des services publics diminuent mais pas leur prix (bonjour La Poste et quelques autres!), la qualité des produits pose problème malgré les étiquettes, il ne se passe bientôt plus un mois sans qu’éclate un scandale alimentair­e.

Lutter contre le populisme, c’est donc lutter en priorité contre les causes des mécontente­ments. La tâche n’a pas le côté magique des incantatio­ns contre les populistes. Il faut se coltiner les réalités, se battre contre les chimères faciles à vendre. Mais c’est possible. En Suisse plus qu’ailleurs. Aussi réelle qu’elle soit, l’insatisfac­tion y est moins prononcée qu’ailleurs, grâce à la taille du pays, grâce à un niveau de vie et de bien-être élevé en comparaiso­n européenne. Grâce surtout à notre démocratie directe, qui permet aux citoyens d’envoyer des messages aux autorités, quand ils le souhaitent, sur les sujets de leur choix. Et même si tout n’est pas parfait dans la manière dont le message est enregistré, il est impossible de l’ignorer. Immigratio­n étrangère ou RIE III, ce n’est pas un sondage, mais le verdict des urnes. ▅

Il faut se coltiner les réalités, se battre contre les chimères faciles à vendre. Mais c’est possible. En Suisse plus qu’ailleurs

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