Le Temps

Le nouveau toit des députés vaudois

PATRIMOINE Quinze ans après l’incendie de la salle Perregaux, le nouveau parlement cantonal sera inauguré le 14 avril prochain. Le conseiller d’Etat Pascal Broulis a donné au Temps la primeur d’une visite des lieux.

- TEXTE: AÏNA SKJELLAUG PHOTOS: FRANÇOIS WAVRE/LUNDI13 @AinaSkjell­aug

Le nouveau parlement vaudois est né du feu et baigne désormais dans la lumière. Au détour des ruelles pavées de la Cité lausannois­e, le soleil s’engouffre en transparen­ce dans la façade de verre qui fait office d’entrée. Son reflet vole sur les traces de l’histoire – ici, un mur de béton fait face aux pierres du XIe siècle – et rebondit sur le sol de cette ancienne rue datant du XIIIe siècle.

Dans l’entrée, l’espace résonne «et c’est bien ainsi: c’est le poids du pouvoir». Le conseiller d’Etat Pascal Broulis s’est transformé en guide pour la visite. Il n’hésitera pas, durant l’exercice, à allier métaphores architectu­rales et démocratiq­ues. L’escalier anguleux, imposant, glacial par son métal sombre et chaud par ses marches de bois, monte vers la salle du trésor: l’autre nom du parlement. Juché sur les hauteurs de la ville, ce temple nouveau abritera d’ici à un mois le berceau des lois, le Grand Conseil vaudois.

Un budget économe de 25 millions

L’endroit fut ravagé par un incendie dans la nuit du 13 au 14 mai 2002. Mais de ses cendres, l’architecte Marc Collomb, du bureau lausannois Atelier Cube, a repensé un bâtiment à la fois pragmatiqu­e et peu onéreux pour le contribuab­le. «Il faut être en Suisse pour être à ce point économe», s’émerveille l’argentier Broulis. «Un parlement à 25 millions, ce n’est rien. Dans un autre pays, on aurait fini avec un projet à 100 millions.»

L’affaire a d’abord été menée par l’ancien conseiller d’Etat chargé des infrastruc­tures, François Marthaler, avant d’être ensuite, depuis 2012, passée sous l’égide de Pascal Broulis, qui a adoré s’en occuper. L’inaugurati­on aura lieu le 14 avril prochain. La date est aussi l’anniversai­re de la première séance du Grand Conseil vaudois, après l’entrée du canton dans la Confédérat­ion, en 1803.

Construire un parlement moderne participe d’un événement. C’est aujourd’hui aussi rare que bâtir une nouvelle église. Et Pascal Broulis a tout fait pour éviter que le projet prenne du retard. Ainsi, lorsque l’idée d’un référendum – contre le toit contesté du bâtiment – a abouti, il a rencontré chacun des opposants et s’en est sorti sans votation populaire. Doyen des ministres dans la future législatur­e qui débutera cette année, il pourra laisser sa marque patrimonia­le. «Si je n’avais pas été financier, j’aurais été archéologu­e, ou architecte.»

Verticalit­é impression­nante

Le fameux toit, d’abord. Il a finalement été raboté, est devenu plat sur le dessus, recouvert de tuiles. Ce résultat, un compromis plus modeste, face à un premier projet plus en hauteur, asymétriqu­e, et d’une autre couleur, est sans doute mieux intégré à l’architectu­re historique de la Cité. Mais le vestibule d’entrée reste d’une verticalit­é impression­nante. «Pour contenter les opposants au projet, j’ai fait baisser la volumétrie de 27%, mais je voulais que cela reste imposant. Nous sommes dans un parlement, il faut du prestige!»

On continue la visite en suivant dans le bâtiment le tracé d’une ancienne rue du quartier, ornée à droite par une fresque découverte durant les travaux. L’ouvrage, datant du XIVe siècle, est décoré des écussons de quelques grandes familles. Dans la buvette où l’on débouche ensuite, les lampes, très contempora­ines, ont la poésie des nuages. L’espace est facilement divisible. Il est pensé dans l’esprit d’un mur neuf se mettant en résonance avec les briques du passé: faire cohabiter les occupation­s successive­s demeure la force de ce projet.

«La butte où nous sommes, poursuit le ministre, est occupée depuis près de 1500 ans. On y retrouve les touches additionné­es des années, les marques de la vie, émouvantes comme les rides sur le visage d’une femme.»

«La butte où nous sommes est occupée depuis près de 1500 ans. On y retrouve les marques de la vie, émouvantes comme les rides sur le visage d’une femme»

PASCAL BROULIS, MINISTRE VAUDOIS DES INFRASTRUC­TURES

Fonctionne­l et élégant

Le soleil appelle à sortir, et la salle s’ouvre sur le jardin des députés. Un genre de cour d’école à l’ancienne, gravier crissant et vue sur la place de la Riponne. D’ici à l’inaugurati­on, dans la pente, 157 pieds de vigne seront plantés: un pour chaque député et conseiller d’Etat. Le site est aussi doté d’un bel éclairage nocturne, lumières LED définissan­t une signature urbaine et écolo. Avant le projet, Pascal Broulis a visité… une quarantain­e de parlements dans le monde, et y fait constammen­t référence, comparant Lausanne et les plus fameuses capitales internatio­nales. A Berlin, ce puits de lumière, à Paris, le nom gravé des députés illustres, à Londres, la perruque du président.

A Lausanne, on monte par l’escalier qui fait découvrir un espace de 150 places, coupé en son milieu par une allée. L’endroit ressemble à un auditoire universita­ire fonctionne­l et élégant, et obligera – c’est une nouveauté – tous les députés à devoir s’avancer au-devant du micro pour s’adresser à leurs pairs. «Cela créera une nouvelle dynamique», dit Pascal Broulis. D’un côté de la salle, une grande baie vitrée appelle à la rêverie dans le paysage lausannois. Une distractio­n? «On mettra la gauche de ce côté», blague le ministre. A côté, la salle des pas perdus, au sol du XIXe siècle fait de galets peu pratiques pour les escarpins des députées, mais dont la décoration étoilée fait de l’effet.

On ressort vers l’esplanade du Château par un joli jardin japonais, devant la façade néoclassiq­ue d’Alexandre Perregaux de 1806, seule à subsister de l’ancien Grand Conseil: sa belle porte ne servira plus qu’aux entrées solennelle­s. Là encore, c’est un heureux principe qui a prévalu: moins de pompe et plus d’efficacité. Le nouveau parlement des Vaudois est prêt, et c’est une réussite.

1. La verticalit­é du vestibule doit donner de la solennité et une dimension presque sacrée au bâtiment.

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2. Le plafond lumineux dégage une impression poétique.
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(FRANÇOIS BERTIN) 3. Dans les couloirs du parlement, sur quatre écrans vidéo, les visages de 200 Vaudois veillent au travail des élus. Une oeuvre de l’artiste Anne-Julie Raccoursie­r.
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