Au PS français, le retour des clans
L’affaire, cette fois, est existentielle
PRÉSIDENTIELLE Son candidat officiel, Benoît Hamon, présente son programme ce jeudi. Manuel Valls, qui refuse de le soutenir, sait que son avenir politique dépendra de la performance d’Emmanuel Macron
La primaire de janvier, ponctuée par la victoire sans appel de Benoît Hamon face à Manuel Valls (59 contre 41%) devait l’éliminer. Promis, juré: le clivage fatal du quinquennat Hollande entre socialistes pro-gouvernement et socialistes «frondeurs» était censé se dissoudre dans les urnes.
Erreur. Deux mois plus tard, la maison «Solférino», du nom de la rue parisienne où se trouve le QG du PS, rougeoie de mauvaises braises. A preuve: lorsque Benoît Hamon présentera son programme ce jeudi, moment solennel s’il en est dans la course à l’Elysée, l’ancien premier ministre ne sera ni présent, ni solidaire. Mardi, devant ses amis parlementaires, Manuel Valls a confirmé qu’il ne donnerait pas son parrainage de député de l’Essonne (il l’est redevenu après sa démission de Matignon, le 6 décembre) à son ancien ministre de l’Education.
Voire deux «éléphants» casser la porcelaine du Parti socialiste français n’a rien de nouveau. Au siège du PS, les murs et les plus vieux permanents se souviennent de la guerre Mitterrand-Rocard des années 70-80, puis du duel fratricide Fabius-Jospin dans les années 90. Mais l’affaire, cette fois, est existentielle.
«Bien sûr que nous regardons vers Macron»
Tandis que le vainqueur de la primaire «citoyenne» Benoît Hamon – pur produit du parti dont il dirigea longtemps les Jeunesses socialistes – essaie d’exister face au candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, c’est vers un non-socialiste, perçu qui plus est comme un «traître», que se tournent les regards des pro-Valls. Emmanuel Macron, reçu ce jeudi à Berlin par la chancelière allemande, a – en plus du soutien initial du maire PS de Lyon, Gérard Collomb – déjà enregistré le ralliement de l’ancien maire PS de Paris Bertrand Delanoë et de plusieurs députés socialistes. «Bien sûr que nous regardons vers Macron, confirme un familier de l’ancien chef du gouvernement. Nous savons que, s’il est élu président, nous n’aurons pas d’autre choix que de le rejoindre. Et que, s’il échoue aux portes de l’Elysée, il restera incontournable.»
La conséquence est une situation électorale délétère, qui risque de coûter cher au PS lors de la présidentielle, puis d’accoucher d’une débâcle lors des législatives de juin 2017. Sauf retournement surprise aujourd’hui lors de l’énoncé de ses grandes orientations, l’idéaliste Benoît Hamon, désormais allié aux écologistes, devrait en effet confirmer la fracture béante qui le sépare de Manuel Valls sur au moins deux dossiers clés: la sortie du nucléaire et le remboursement de la dette publique.
La première option est combattue par tous les réalistes du PS, pour qui la loi sur la transition énergétique votée en août 2015 est le bon horizon (50% de nucléaire en 2025 contre 75% actuellement). La seconde proposition horrifie tous ceux qui, sous le quinquennat, se sont battus pour ramener dans les clous le déficit public français (2,7% prévus pour 2017). «Il faudra regarder ce qu’on pourra rembourser ou ne pas rembourser, avait déclaré Benoît Hamon le 27 février. Il y a une dette vis-à-vis des banquiers que nous pouvons tout à fait renégocier.»
«Le menhir» hésite
Un homme, au-delà de Manuel Valls, peut colmater ou couler le navire socialiste secoué par la tempête présidentielle: le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en poste depuis 2012. Elu président de la région Bretagne en décembre 2015, l’ancien maire de Lorient est en lien direct avec Emmanuel Macron. L’on croyait même à son ralliement samedi, lors du discours de Macron sur la défense à Paris, au Cercle des armées. Mais «le menhir» hésite. Sa base de militants socialistes bretons est loyaliste. Hamon lui-même est originaire de Brest. «On n’est pas dans le politique, on est dans l’ethnique», sourit un diplomate, ex-conseiller de Le Drian.
L’ethnique, Manuel Valls le «Catalan» connaît. Depuis son échec à la primaire, l’intéressé bétonne son entourage composé souvent d’élus des grandes villes, réformistes, inquiets de voir Benoît Hamon pencher du côté de «l’islamo-gauchisme». Son clan est donc prêt. Mais lui se tient à distance de Macron, qu’il fit entrer au gouvernement et qui l’a, depuis, doublé dans les grandes largeurs. Pas question, pour l’heure, de prendre le large et de quitter le PS, dont l’appareil reste une précieuse machinerie politique.■