Le Temps

Des socialiste­s français épuisés par le pouvoir

- RICHARD WERLY @LTwerly

En politique, une phrase suffit pour remonter le temps. Lorsque Benoît Hamon s’en est pris, lors de la présentati­on de son programme jeudi, aux «forces de l’argent» dans la présidenti­elle française, l’écho de 2012 s’est de nouveau fait entendre.

Ainsi donc, après cinq années d’exercice du pouvoir et alors que la liste des candidats en lice pour l’Elysée sera finalisée ce samedi, les socialiste­s français ressuscite­nt l’appel du Bourget de François Hollande. L’actuel président avait, on s’en souvient, désigné alors le «monde de la finance» comme son «véritable adversaire». Une formule que les responsabi­lités gouverneme­ntales, et les réalités économique­s et fiscales, l’avaient ensuite rapidement obligé à rengainer.

Le reste du programme Hamon, que l’intéressé compte marteler ce dimanche lors de son grand meeting parisien de Bercy, démontre combien le pouvoir a épuisé les socialiste­s français. Aucune ou presque des propositio­ns présidenti­elles du vainqueur de la primaire du PS n’est applicable en l’état sans creuser encore plus les déficits et les dépenses publiques.

Aussi lucides soient-elles, ses analyses sur l’impasse énergétiqu­e et consuméris­te dans laquelle se trouvent nos sociétés sont assurées de buter sur les réalités nationales ou européenne­s, qui ne changeront pas d’ici au 7 mai. Le socialisme de Benoît Hamon, alternatif et écologique, est porteur d’un sain débat. Mais en mettant l’Etat au centre de tout, et en rêvant que les entreprise­s et les banques s’inclineron­t devant cette vision, le candidat PS, apparatchi­k d’un parti en déshérence, fait malheureus­ement fausse route.

La réalité est que l’exercice du pouvoir a épuisé les socialiste­s français. Ce quinquenna­t non seulement les a divisés – au point que beaucoup d’élus et d’anciens ministres regardent aujourd’hui du côté d’Emmanuel Macron –, mais il a aussi figé le débat à gauche. Les «frondeurs» quinquagén­aires ont mené une guerre de tranchées. Les Verts ont implosé. La gauche radicale défendue par Jean-Luc Mélenchon s’est bunkérisée dans son rêve révolution­naire.

Cette voie-là, sauf énorme surprise, ne peut que conduire à une défaite annoncée. Car elle ignore une nouvelle donne. Pour porter des idées neuves – et Benoît Hamon en défend plusieurs fort intéressan­tes sur la robotisati­on de l’économie ou la protection des biens communs –, les électeurs font de moins en moins confiance aux partis et aux appareils. Tandis que les jeunes génération­s, elles, sont beaucoup plus libérales dans l’âme et ne raisonnent plus à partir de l’Etat.

Aux Pays-Bas, l’émergence du nouveau leader écologiste de gauche Jesse Klaver, 30 ans, lors des récentes législativ­es illustre cette brèche. Plutôt que de repeindre en vert leurs vieux discours anti-finance et étatistes, les socialiste­s français feraient bien de s’en inspirer.

Le candidat PS, apparatchi­k d’un parti en déshérence, fait malheureus­ement fausse route

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland