L’échec peut-il être mis en échec?
L’échec peut-il être un générateur de succès? Le thème emballe au-delà de la communauté des startupers, de nombreux livres s’écrivent à ce sujet et des conférences sur ce thème remplissent des salles. Les Fuckup Nights prennent ainsi le parti d’ériger l’échec en leçon de vie. En sept minutes et dix images, des entrepreneurs, des dirigeants, des managers expliquent à une assistance qui veut apprendre d’un ratage ce que tomber peut bien vouloir signifier. L’approche séduit dans une époque où les parcours professionnels connaissent dos d’âne, accélérations et plongées dignes d’un grand huit, sans parler d’éventuelles sorties de route.
Plus personne ne croit à la carrière toute tracée même si, secrètement, la plupart d’entre nous rêvent de la grande idée, de la martingale qui va changer la donne dans notre parcours. Tout le monde sait que le champagne est né d’une erreur et que Steve Jobs se voyait faire de la calligraphie plutôt que de révolutionner quelques industries. Oui, l’échec peut être fertile. Mais l’acceptation de la réalité doit aussi nous rappeler que certains échecs sont définitifs. Parfois, il vaut mieux ne pas se bercer d’illusions: il y a des technologues qui ne décolleront jamais, des produits entassés dans des rayons car personne n’en voudra – ni aujourd’hui, ni demain – et des carrières fracassées à jamais. Pessimiste? Non, juste réaliste.
Il y a certains deuils à réaliser pour passer à autre chose. La chose la plus difficile consiste peut-être à savoir à quel moment nous sommes tout en haut du cycle, ce point le plus élevé que nous ne toucherons qu’une seule fois dans notre vie. C’est tout aussi complexe pour l’investisseur espérant réaliser un maximum de gains à la bourse (et vendre ses positions juste avant que les cours ne s’effondrent) que pour le musicien de 25 ans écrivant le morceau qui le rendra riche et célèbre… alors qu’il ne réalisera plus rien après. Mais qui s’avouera à lui-même que ses pertes ont largement excédé ses gains ou que sa carrière est depuis bien longtemps derrière lui?
Le poids de l’échec n’a sûrement pas la même valeur dans toutes les cultures. Une amie qui s’exprimait aussi bien en anglais qu’en français avait un humour basé sur l’autodérision dans la langue de Shakespeare et sur la moquerie et le cynisme dans celle de Molière. Qui d’ailleurs oserait lancer des événements baptisés «la soirée des ratages»? Peut-être le signe qu’il faudra encore pas mal de temps avant que l’échec ne soit considéré comme positif dans nos contrées.
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