La voiture autonome attire des milliards
Lundi, Intel a déboursé 15 milliards de dollars pour acquérir le spécialiste des caméras pour voitures Mobileye. Ford, General Motors, Audi ou encore Uber se rapprochent, souvent via des acquisitions, de l’expertise des géants de la tech
C’est une bataille qui était livrée à coups de centaines de millions de dollars. Elle se joue désormais en milliards. En début de semaine, Intel déboursait 15 milliards de dollars (autant en francs) pour s’emparer du spécialiste israélien de vision artificielle pour voitures Mobileye. C’est le plus gros rachat de la jeune histoire du marché des voitures autonomes. Jusqu’à présent, constructeurs automobiles, sociétés high-tech et nouveaux venus sur le marché des taxis n’avaient jamais dépensé autant pour leurs multiples acquisitions.
Mobileye est quasi inconnue des automobilistes. Mais ses technologies, adoptées par une dizaine de constructeurs, sont déjà utilisées sur plus de 15 millions de véhicules. La société développe des caméras permettant de prévenir des collisions, de calculer les distances avec d’autres voitures, de détecter des piétons, de suivre des indications et de contrôler les phares de la voiture.
Après avoir raté l’explosion du marché des smartphones, Intel a payé un prix jugé disproportionné par les analystes pour Mobileye: 21 fois son chiffre d’affaires prévu pour 2017, 60 fois ses bénéfices… Mais le spécialiste des puces n’avait pas le choix. «Il ne pouvait pas laisser passer l’opportunité que représente le secteur automobile, estime Uwe Neumann, analyste chez Credit Suisse. La proportion de produits de semi-conducteurs – spécialité d’Intel – par voiture va augmenter sensiblement et cela représentera, pour le secteur des semi-conducteurs, leur deuxième vecteur de croissance après les centres de données.»
Frénésie d’alliances
Selon l’analyste, certains concurrents d’Intel, comme Nvidia, semblent mieux positionnés. Nvidia vient de s’allier à Bosch pour créer une puce dotée d’intelligence artificielle pour les voitures. Par ailleurs, Qualcomm avait déboursé, en 2016, 47 milliards de dollars pour acheter NXP, spécialisée dans les puces pour l’Internet des objets… et les véhicules. Cette frénésie d’alliances et d’acquisitions est-elle justifiée? «Oui, car la ligne d’horizon pour les voitures autonomes se rapproche. D’après Boston Consulting Group, les voitures autonomes représenteront 25% des ventes globales d’ici à 2035», estime Julie Saussier-Clément, également analyste chez Credit Suisse.
Et personne ne veut rater cette tendance. BMW avait déjà signé avec Intel et Mobileye en juillet 2016. Un mois plus tard, Uber avait racheté l’éditeur de logiciels pour voitures Otto pour 680 millions de dollars. Un peu plus tôt, en mars 2016, General Motors avait déboursé 581 millions pour s’offrir Cruise Automation, concurrent d’Otto. Autre exemple d’une liste non exhaustive, Audi avait signé un accord avec Nvidia en janvier 2017 pour lancer ses premières voitures autonomes en 2020.
«Les constructeurs ont reconnu la nécessité d’investir des sommes significatives dans les voitures autonomes pour ne pas laisser le terrain aux seules sociétés du secteur technologique, poursuit Julie Saussier-Clément. Ces sommes seront investies en interne et probablement également dans l’acquisition de start-up. Les constructeurs automobiles restant les responsables en cas de dysfonction de la voiture, ils ont à coeur de maintenir le contrôle pour les éléments critiques de la voiture autonome.»
Que fera Google?
Quel sera le rôle d’Alphabet (Google) dans ce marché en pleine effervescence? Le groupe a inséré ses activités automobiles dans une société externe, Waymo, en décembre 2016. Depuis, Waymo a signé des accords avec Honda et Fiat. «Alphabet ne s’intéresse qu’au système d’exploitation, affirme Uwe Neumann. Nous ne pensons pas que Google veuille produire ses propres voitures. Il y aura une lutte entre la Silicon Valley et l’industrie automobile quant au contrôle du cerveau de la voiture autonome, car Google pourrait capturer l’essentiel de la valeur ajoutée de ce type de véhicule.» Selon l’analyste, les sociétés de semi-conducteurs travaillent déjà avec les fournisseurs de logiciels (Google, Apple, Microsoft) pour les ordinateurs et les smartphones et pourraient répliquer cet écosystème dans l’automobile.
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