Le Temps

Andy Zaugg, le chef étoilé ambassadeu­r des vins vaudois et de la cuisine épurée

Le chef étoilé soleurois a reçu les insignes de commandeur de l’Ordre des vins vaudois. Une reconnaiss­ance méritée pour ce passionné du goût qui privilégie une cuisine épurée, comme son modèle, Paul Bocuse

- PIERRE-EMMANUEL BUSS

«Je einfacher, desto besser» («Plus c’est simple, mieux c’est»). Dans la cuisine du restaurant Zum Alten Stephan, au coeur de la vieille ville de Soleure, Andy Zaugg répète sa devise avec enthousias­me. Ça tombe bien: elle lui convient à merveille, pour sa cuisine, tout d’abord, précise et inventive, mais sans fioriture. «Les plats trop travaillés, c’est pas mon truc», résume le chef, grand admirateur de Paul Bocuse, avec qui il pose fièrement sur sa photo de profil Facebook. «Je suis allé manger chez lui une bonne quinzaine de fois. Sa cuisine est fantastiqu­e de simplicité. Pour moi, c’est un modèle, le plus grand cuisinier de l’histoire.»

Andy Zaugg exprime son goût de l’épure jusque dans l’énoncé de ses plats, loin des formules poétiques de certains restaurant­s bourgeois-bohêmes. Pour le menu qu’il a concocté à l’occasion de sa nomination au rang de commandeur de l’Ordre des vins vaudois, le 11 mai dernier, il proposait «foie gras poêlé, rhubarbe, pomme Granny Smith» puis «turbo, asperges, caviar» ou encore «bar, petits pois, chorizo». Une façon d’insister sur sa priorité, «la mise en valeur du produit».

Cette simplicité se retrouve aussi dans les rapports humains. Le Soleurois cultive le goût de l’échange et de la conviviali­té, avec le tutoiement comme étendard. Proche des vignerons vaudois Bernard Cavé et Philippe Gex depuis plus de vingt ans, il adore venir faire les vendanges sur les coteaux d’Yvorne. «Je travaille un peu, mais très vite je vais boire un verre de vin», confie-t-il dans un large sourire. Cette amitié au long cours l’a poussé à devenir une des chevilles ouvrières de la Ballade gourmande organisée chaque année à Soleure par Provy, société coopérativ­e de promotion des vins d’Yvorne.

C’est ce lien étroit qui a incité Philippe Gex à proposer au président de l’Office des vins vaudois, Pierre Keller, de lui remettre les insignes de commandeur. Une distinctio­n déjà accordée à l’écrivaine du vin Chandra Kurt, au «pape de l’étiquette» Michel Logoz ou encore au fondateur d’Ikea Ingvar Kamprad. «Andy est un magnifique ambassadeu­r de nos vins, souligne le vigneron et ancien syndic d’Yvorne. Son dynamisme est un modèle dans l’hôtellerie-restaurati­on. Ce n’est pas le genre de type à garder les mains dans les poches.»

Crédité d’un macaron Michelin, noté 17/20 par le Gault&Millau, Andy Zaugg a su très tôt qu’il deviendrai­t cuisinier. Eveillé au goût par le rôti de veau de sa mère et par le tiramisu de La Locanda, un restaurant où il se rendait régulièrem­ent avec ses parents, il a fait son apprentiss­age à La Couronne, une adresse renommée à Soleure.

Il est ensuite passé par Le Débarcadèr­e, à Saint-Sulpice, où il a beaucoup appris sur les poissons et crustacés au contact du chef breton Daniel Guerlavais. Il a poursuivi sa formation auprès du chef étoilé André Jaeger, à Schaffhous­e, où il rencontre son épouse, Roberta, cheffe pâtissière.

Le jeune couple décide très vite de jouer les cuisiniers globe-trotters, enchaînant les expérience­s aux Etats-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande ou encore en Irlande. «J’ai toujours été ouvert sur le monde, précise le maîtrequeu­x. Ma mère est originaire d’Amsterdam et a vécu en Australie. Mon père est à moitié Italien et ma femme est Irlandaise. Je me sens résolument Européen, avec la volonté d’échanger sur la passion et l’innovation. C’est toute ma vie.»

En octobre 1992, fraîchemen­t mariés, Andy et Roberta rentrent en Suisse pour reprendre le restaurant Zum Alten Stephan, une ancienne maison de corporatio­n rachetée quelques années plus tôt par le père d’Andy. Un lieu très simple qui va devenir une adresse de référence en quelques années.

Pour assouvir son goût du voyage et des échanges, Andy Zaugg devient un membre actif de l’associatio­n des Jeunes Restaurate­urs d’Europe. Chaque année, il fait un stage de plusieurs semaines dans un grand restaurant européen. «Cette année, je suis allé chez Da Vittorio, un 3-étoiles de Bergame, précise-t-il. Cela me permet d’apprendre des choses nouvelles. J’essaie toujours de m’améliorer. C’est la clé du succès.»

Début 2017, le chef soleurois a remis la gestion de son restaurant, dont il reste propriétai­re, à son chef de cuisine, Stefan Bader. Son souhait? Avoir plus de temps pour ses cours de cuisine et ses activités de consultant et de traiteur pour de grandes manifestat­ions comme le Salon de l’auto de Genève ou les «ressats» de la Confrérie du Guillon au château de Chillon. «Là, j’ai vraiment la pression, précise-t-il. Les convives sont tous des connaisseu­rs.»

Dans ses nouvelles activités, il continue à défendre le chasselas, une rareté pour un chef d’outre-Sarine. «Pour moi, cela a toujours été une évidence. La qualité des vins a fortement progressé ces vingt dernières années. Avec des coquilles Saint-Jacques ou une baudroie grillée sans trop de beurre ni de crème, c’est un accord de rêve. Les vieux millésimes, eux, se marient très bien avec un gruyère affiné 24 ou 36 mois. C’est simple, mais très efficace.»

«Je suis ouvert sur le monde. Ma mère est originaire d’Amsterdam, a vécu en Australie. Mon père est à moitié Italien, ma femme est Irlandaise. Je me sens résolument Européen»

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