Le Temps

Donald Trump acculé

ÉTATS-UNIS Dans une ambiance de crise, des élus démocrates réclament l’impeachmen­t du président américain. Mais malgré la succession de dérapages, les critiques contre Donald Trump restent minoritair­es dans le camp républicai­n

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D @VdeGraffen­ried

ÉTATS-UNIS Après les révélation­s selon lesquelles il aurait transmis des données sensibles au ministre russe des Affaires étrangères, Donald Trump est fragilisé par une nouvelle affaire. Le président américain serait intervenu auprès du patron du FBI James Comey pour lui suggérer de laisser tomber l’enquête sur Michael Flynn, son ex-conseiller à la sécurité nationale. Le spectre d’une procédure d’impeachmen­t plane sur Donald Trump, soupçonné d’entrave à la justice. Ces scandales à répétition qui secouent Washington rendent les marchés fébriles.

Qu’est-ce qui va bien pouvoir stopper le tout-puissant Donald Trump? Un vent de tempête souffle sur Washington ces jours. Au passage, il sème tumultes et chaos. Après avoir brutalemen­t licencié le patron du FBI, le président américain est tour à tour accusé d’avoir livré des informatio­ns sensibles en provenance d’Israël au ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, puis d’avoir tenté de mettre fin à une enquête du FBI sur son ex-conseiller à la sécurité nationale. Au Congrès, des démocrates brandissen­t le spectre de l’impeachmen­t. Le malaise atteint les rangs républicai­ns. Mais les voix dissidente­s restent encore marginales.

Un climat délétère

Partage d’informatio­ns confidenti­elles en bafouant les règles du renseignem­ent, tentatives d’obstructio­n à la justice: les accusation­s sont graves. C’est dans un climat délétère que les médias profitent de fuites qui affaibliss­ent Donald Trump, alors que son équipe de communicat­ion se répand en contradict­ions. Les murs de la Maison-Blanche tremblent et les vibrations atteignent le Congrès, dans une certaine confusion.

«C’est le coeur serré que je demande la destitutio­n du président», a lancé mercredi, depuis le Capitole, le démocrate Al Green, élu à la Chambre des représenta­nts. Accusé d’entraves à la justice, Donald Trump pourrait en faire les frais. La Constituti­on américaine prévoit une procédure de mise en accusation du président qui peut conduire à sa destitutio­n. Une procédure lourde et compliquée, qui reste exceptionn­elle. Elle n’a été déclenchée que deux fois, en 1867 et en 1998, avec Bill Clinton, sans aboutir à des condamnati­ons. En plein scandale du Watergate, Richard Nixon a préféré démissionn­er avant que le Congrès se prononce.

«L’ampleur du scandale du Watergate»

Donald Trump est-il en train de vaciller? Mardi encore, Nancy Pelosi, la cheffe de file de la minorité démocrate à la Chambre des représenta­nts, a clairement refusé de se joindre aux appels à la destitutio­n. Pour elle, les accusation­s doivent encore être prouvées. Chez les républicai­ns, les réactions dissidente­s restent minoritair­es, à part les voix critiques habituelle­s. Le tandem John McCain et Lindsey Graham – les sénateurs n’ont jamais caché leur antipathie pour Trump – fait partie des détracteur­s. John McCain évoque une «affaire de l’ampleur du scandale du Watergate».

Mais les chefs républicai­ns du Sénat et de la Chambre des représenta­nts, Mitch McConnell et Paul Ryan, continuent de faire corps avec Donald Trump, les yeux rivés sur les élections de mi-mandat de 2018. Seuls une quarantain­e d’élus parmi les 290 républicai­ns du Congrès – le parti est majoritair­e dans les deux chambres – ont osé exprimer leurs doutes quant au limogeage de James Comey. Six ont ouvertemen­t demandé une investigat­ion indépendan­te sur l’affaire russe.

«Le Parti républicai­n a vendu son âme»

Les nouvelles révélation­s délieront probableme­nt des langues. Mais, fidèle de Donald Trump, on voit mal Mitch McConnell fléchir: sa femme, Elaine Chao, est ministre. Pour ce qui est de Paul Ryan, il suffit par contre de revenir quelques mois en arrière pour se souvenir qu’il n’a pas toujours été aussi fidèle. En pleine campagne présidenti­elle, outré par les propos du candidat Trump sur les femmes, il avait annoncé ne pas faire campagne pour lui, mais se concentrer sur les élections au Congrès. Cela lui avait valu d’être traité par Trump de «très faible leader» et de «déloyal».

Dans une tribune du New York Times, l’historien militaire Max Boot, qui a quitté le Parti républicai­n le 9 novembre, emploie des mots assassins: «Le parti a vendu son âme au charlatan sans âme qui occupe maintenant le Bureau ovale et se moque de tous les principes du parti.» Des lézardes apparaisse­nt dans la forteresse républicai­ne. Mais selon un récent sondage de l’Université de Quinnipiac, si le soutien des électeurs républicai­ns à Donald Trump baisse, il est toujours de 80%.

Le Congrès veut entendre James Comey

Aujourd’hui, l’objectif premier des élus est de clarifier la situation. «Nous avons besoin des faits. Il est évident que certaines personnes essaient de nuire au président. Mais nous avons une obligation d’accomplir notre mission de contrôle, quel que soit le parti au pouvoir à la Maison-Blanche», a insisté Paul Ryan, après une réunion au Capitole.

Le président russe Vladimir Poutine est entré dans la danse, alors que l’affaire de l’ingérence russe dans l’élection présidenti­elle américaine empoisonne le début de mandat de Donald Trump, en se disant… «prêt à fournir l’enregistre­ment» de l’entretien entre Lavrov et Trump. Il a dénoncé, d’un ton moqueur, la «schizophré­nie politique» qui règne aux Etats-Unis.

Le Congrès espère surtout pouvoir auditionne­r James Comey. Mardi, le New York Times a révélé le contenu d’un de ses mémos: Donald Trump aurait demandé au patron du FBI de laisser tomber l’enquête sur Michael Flynn, révélation que la MaisonBlan­che a démentie. La rencontre a eu lieu le lendemain de la démission forcée du conseiller à la sécurité nationale. Selon le NYT, le président aurait dit: «C’est un gars bien. J’espère que vous pourrez laisser tomber.»

«Toute cette affaire est un test sans précédent pour le pays. L’histoire nous regarde», a déclaré, sur un ton solennel, Chuck Schumer devant le Sénat, à peine l’article publié. Donald Trump, lui, a lâché une autre phrase, mercredi, devant des gardes-côtes, en parlant de sa situation: «Vous devez baisser la tête et combattre, combattre, combattre. Ne laissez jamais, jamais tomber.»

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(AFP PHOTO) Une effigie de Trump lors d’une manifestat­ion à Washington, le 10 mai dernier.

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