Le Temps

Trump aurait trahi une source du Mossad

ISRAËL Des confidence­s du président américain au ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, auraient dévoilé l’existence d’un agent du Mossad dans le camp djihadiste. Parole de service secret…

- SERGE DUMONT, TEL-AVIV

Motus et bouche cousue. A cinq jours de la visite que Donald Trump doit effectuer en Israël et dans les territoire­s palestinie­ns, Benyamin Netanyahou a interdit à ses ministres de commenter les informatio­ns en provenance des Etats-Unis selon lesquelles le président américain aurait donné au ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, des informatio­ns récoltées par le Mossad (le service de renseignem­ent extérieur de l’Etat hébreu). Des tuyaux de première main selon lesquels l’Etat islamique projettera­it d’organiser des attentats dans les avions à l’aide d’ordinateur­s portables explosifs.

Ces informatio­ns avaient été transmises aux services américains dans le cadre des échanges sécuritair­es entre les deux pays, qui se sont fortement renforcés depuis les années 20072008. En les révélant, Donald Trump a réduit à néant le travail d’infiltrati­on de Daech effectué par le Mossad depuis de nombreux mois, tout en mettant en danger la source de ce service.

Dans les milieux proches des services de l’Etat hébreu, il se dit que cette source n’est pas un Israélien infiltré mais un cadre de l’organisati­on terroriste islamiste, retourné contre monnaie sonnante et trébuchant­e. Celle-ci ne savait cependant pas qu’elle informait Israël: elle croyait vendre ses tuyaux à un autre pays voisin, comme l’Irak, la Turquie ou la Jordanie.

Même s’il leur est interdit d’en parler, les dirigeants israéliens sont secoués par les «TrumpLeaks». Ils redoutent de voir exposée leur collaborat­ion active à la lutte contre l’Etat islamique alors que leur pays n’est pas censé s’en mêler. Voilà pourquoi Donald Trump s’est entretenu mardi soir, pendant vingt minutes, avec Benyamin Netanyahou. Le même jour, il a d’ailleurs également téléphoné au roi Abdallah de Jordanie, puisque les services de ce pays sont également très actifs en la matière.

Accusation d’«amateurism­e»

Les échanges d’informatio­ns sont habituels entre les services alliés ou entre ceux qui ont un intérêt ponctuel commun à le faire. Mais il ne s’agit pas de données brutes, et le nom des sources n’apparaît jamais. Avant d’être «lâchée», l’informatio­n est filtrée et son contenu est avalisé par plusieurs niveaux hiérarchiq­ues, voire par les responsabl­es politiques si le sujet est vraiment sensible.

Cette règle ne vaut toutefois pas lorsque Israël donne des renseignem­ents aux Etats-Unis car, dans ce cas, les filtres sont beaucoup plus lâches en raison de la proximité entre les deux pays. S’exprimant de manière anonyme dans les médias locaux, des sources sécuritair­es israélienn­es haut placées crient au scandale. Elles dénoncent «l’incompéten­ce» du futur

«Il nous faudra désormais réévaluer le niveau des informatio­ns transmises à Washington» SOURCES SÉCURITAIR­ES ISRAÉLIENN­ES

hôte de leur pays et le fait que son «amateurism­e» ait mis une source en danger. «Nous nous attendions à un couac du genre de celui qui vient de se produire, confient-elles. Il nous faudra désormais réévaluer le niveau des informatio­ns transmises à Washington.»

A tort ou à raison, les TrumpLeaks renforcent l’impression que la visite du président américain en Israël et à l’Autorité palestinie­nne (AP) ne se déroulera pas de manière convention­nelle. Et qu’elle pourrait même déraper, puisque les incidents se multiplien­t.

Le premier s’est déroulé au début du mois lorsque le Départemen­t américain a laissé entendre que, si le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv vers Jérusalem – une promesse électorale du candidat Donald Trump – est toujours à l’étude, la décision ne serait pas prise dans l’immédiat. Puis, le 14 mai, nouvel accroc. Cette fois, un diplomate américain chargé de préparer le voyage présidenti­el a, dans le cadre de ses conversati­ons avec les autorités israélienn­es, estimé que le mur des Lamentatio­ns «ne fait pas partie d’Israël et appartient à la Cisjordani­e». Une petite phrase en forme d’affront pour les responsabl­es de l’Etat hébreu, puisque ce lieu saint est considéré par eux comme l’«épicentre du peuple juif», même s’il se trouve à Jérusalem-Est, la partie arabe de la ville conquise durant la guerre des Six-Jours (juin 1967).

Dans la foulée, les Israéliens ont dû beaucoup insister pour que Donald Trump, qui n’en voyait pas l’intérêt, accepte de faire une halte d’un quart d’heure à Yad Vashem, l’institut commémoran­t la mémoire des victimes de l’Holocauste. Et ils n’ont pas davantage apprécié que le président déplace au Musée d’Israël le discours qu’il devait prononcer le 22 mai dans les ruines de Massada, le site symbolisan­t la résistance des juifs contre les légions romaines.

Président affaibli

Jusqu’à ces dernières heures, les dirigeants israéliens redoutaien­t d’entendre Donald Trump exiger d’eux qu’ils reprennent le processus de paix avec les Palestinie­ns. Mais les TrumpLeaks ont affaibli le président, donc écarté ce «danger». A l’instar du ministre de l’Education, Naftali Bennett, leader du parti d’extrême droite Foyer juif, les ultras estiment que Benyamin Netanyahou devrait profiter de la situation pour exiger des «compensati­ons» politiques de son hôte. L’annonce du transfert de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, par exemple…

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