Fabrice A., ce héros du mal absolu
JUSTICE Aux yeux des experts suisses, le bourreau d’Adeline a besoin de se voir grand et très puissant pour compenser une très faible estime de soi
Lors de leur prestation au procès avorté, les experts suisses de Fabrice A. n’avaient pas été autorisés à se prononcer sur la question sensible d’un internement à vie. Cette fois-ci, le président du Tribunal criminel leur a posé clairement la question et leur réponse a été tout aussi limpide. Ces psychiatres, les docteurs Alexandra Rageth et Eric Luke, ne préconisent pas la mesure la plus radicale du Code pénal, car il leur semble très difficile d’exclure toute évolution positive chez ce prévenu encore jeune et qui n’a jamais bénéficié d’un traitement spécifique.
Les experts dressent un profil très sombre du bourreau d’Adeline. Ils voient en lui un psychopathe avec des pulsions sadiques et une pathologie sexuelle extrême. Fabrice A. est dépeint comme un être très mal construit à la base, avec une très pauvre estime de soi, et qui a besoin de se voir grand et très puissant pour ne pas sombrer. Il cherche à se mettre dans la peau des autres et de préférence dans celle de héros malfaisants. C’est ainsi qu’en visionnant en boucle le film Braveheart, il s’est identifié à celui qui a le pouvoir de vie et de mort. Celui qui finit par égorger la pauvre princesse écossaise attachée à un arbre.
Dénué de toute empathie
Ce sort identique et atroce, infligé à Adeline le 12 septembre 2013 dans un bois de Bellevue, les psychiatres suisses pensent que le prévenu l’a effectivement ruminé. Il leur a dit que ce crime faisait partie de son plan et cela ne devait pas être une invention, même si d’autres scénarios de fuite ont été envisagés. Quant à l’existence de ce voile noir qui se serait abattu sur son esprit au moment de l’acte, «il n’est pas totalement impossible mais pas totalement vraisemblable non plus».
Les spécialistes sont aussi convaincus que Fabrice A. n’a pas tout livré et qu’il reste des zones d’ombre dans son récit, alors même qu’il se montre très théâtral sur sa vie avec une tendance à la grandiosité. «Face aux sommités que sont les experts français, il a dû avoir encore plus de plaisir à s’entendre parler», ajoute la doctoresse Rageth pour expliquer cette tendance à l’exagération soulignée par l’autre duo également mandaté pour sonder l’âme du prévenu.
Un homme décrit encore comme très incapable d’éprouver des remords car dénué de toute empathie. L’émotion est absente de son récit lorsqu’il évoque des regrets. «Il peut se représenter mentalement l’effet de ses actes mais pas le ressentir.»
Pulsions intenses
Fabrice A. était conscient de ce qu’il faisait mais l’intensité de ses pulsions a légèrement ou très légèrement altéré sa capacité à se contrôler, relèvent enfin les experts. Le risque de récidive de cet homme, déjà condamné deux fois pour viol et qui pourrait encore «commettre des actes de pure barbarie», est qualifié de très élevé et ses troubles de la personnalité très difficiles à traiter. Ce pronostic ne se veut toutefois pas définitif. «Il a besoin d’être évalué au fur et à mesure des années. Des cas que l’on croyait désespérés ont fini par évoluer favorablement.»
Selon la doctoresse Rageth, «il est important de ne pas le laisser seul avec sa pathologie et de lui prodiguer des soins en prison». Certes, toute prise en charge sera forcément longue, incertaine, devra être intense et impliquera que l’intéressé «se mette en position d’être transparent». Le résultat ne peut être garanti mais rien ne permet non plus d’exclure tout bénéfice. C’est pour cette raison que les experts suisses ne préconisent pas un internement à vie mais un internement ordinaire qui suffit à maintenir Fabrice A. derrière les barreaux tant qu’il sera considéré comme trop dangereux pour la société.
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