L’heure de la défense pour le Ministère public
L’Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération a mené un premier examen de l’affaire d’espionnage en Allemagne.Sa version des faits contredit celles d’autres autorités
Quel rôle exact a joué la justice suisse dans l’arrestation de Daniel M. en Allemagne? Quelle aide cet informateur du Service de renseignement de la Confédération (SRC) a-t-il vraiment fourni à son pays? Eclaboussé dans cette affaire complexe, le Ministère public de la Confédération (MPC) a trouvé un soutien auprès de son autorité de surveillance. Cette dernière a mené un premier examen du dossier. Elle a publié mercredi ses conclusions, qui s’inscrivent en contradiction avec des déclarations d’élus et nuancent même la version du Conseil fédéral.
Intervention inutile
Première controverse: le travail de l’informateur suisse en Allemagne, chargé de remonter la filière du vol de données bancaires, n’a pas été essentiel au succès de la poursuite pénale, dit l’AS-MPC. Pourtant, début mai dans le Blick, la conseillère nationale Corina Eichenberger (PLR/AG), membre de la délégation des commissions de gestion, affirmait: «Le Service de renseignement de la Confédération voulait trouver qui avait donné ce mandat (ndlr: de voler des données bancaires). Daniel M. a été mis en jeu à ce moment-là. Sur la base de ses informations, un mandat d’arrêt contre trois inspecteurs du fisc a pu être délivré pour soupçon d’espionnage économique.»Le Conseil fédéral pour sa part a jusqu’ici affirmé que la police fédérale a fait une demande de renseignements au SRC en 2011, dans le cadre d’une procédure ouverte par la justice sur le vol de CD de données bancaires. Une démarche que le gouvernement a qualifiée d’«habituelle», «d’autant plus lorsque la coopération policière ou l’entraide judiciaire internationales ne sont pas possibles».
Mais c’était inutile, dit l’ASMPC. La justice suisse a ouvert une procédure contre trois inspecteurs allemands en 2010 sans la participation ou la collaboration du SRC, affirme-telle. En 2011, la police judiciaire fédérale a fourni des indications complémentaires, «utiles pour compléter le dossier, mais pas pertinentes pour les véritables objectifs de la poursuite pénale», relativise même l’Autorité de surveillance du MPC.
Question d’interprétation
L’Autorité de surveillance se montre aussi bienveillante envers le MPC quant à son rôle dans l’arrestation de Daniel M. En livrant les procès-verbaux des auditions de l’agent suisse à ses co-prévenus en Allemagne, qui ont fini par les remettre à la justice de leur propre pays, le MPC a-t-il fauté? Il s’agit d’une question d’interprétation du Code de procédure pénale, estime l’AS-MPC.
Elle tient à rappeler que le droit des parties de consulter le dossier revêt une importance très élevée dans une procédure pénale. Enfin, «ni D. M., ni le SRC ne se sont exprimés quant à d’éventuels intérêts de confidentialité privés ou publics», enfonce l’Autorité de surveillance.
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