Le Temps

Maria Sharapova, la VIP devenue indésirabl­e

Malgré un insistant lobbying, la Russe n’a pas reçu d’invitation pour Roland-Garros

- CLÉMENT GUILLOU (LE MONDE) @JeuneGuill­ou

Le président de la Fédération française de tennis (FFT), Bernard Giudicelli, a annoncé mardi en fin de journée, en direct sur Facebook, avoir refusé à Maria Sharapova l’invitation aux qualificat­ions ou dans le tableau final de Roland-Garros et s’en être expliqué auprès d’elle. «Je lui ai dit que personne ne peut la priver des titres qu’elle a obtenus mais qu’aujourd’hui, je ne peux pas lui accorder la wild card qu’elle m’a demandée», a expliqué Bernard Giudicelli.

Après le forfait de Roger Federer lundi, et celui de Serena Williams, enceinte, c’est une troisième star du tennis mondial qui manquera à l’appel à partir du 28 mai sur la terre battue parisienne. Maria Sharapova, vainqueur en 2012 et 2014, figurait au deuxième rang des favorites du tournoi chez les parieurs britanniqu­es. Elle aurait aussi été l’attraction principale d’un circuit féminin en manque de joueuses connues du grand public, particuliè­rement depuis la mise en retrait de Serena Williams. Lundi, l’Associatio­n des joueuses profession­nelles (WTA) s’est sentie obligée de rappeler par un mailing à la presse que l’Allemande Angelique Kerber était la nouvelle numéro un mondiale.

«Je sais que beaucoup de personnes peuvent être déçues, mais le tournoi investit beaucoup dans la lutte contre le dopage et il ne pouvait pas être concevable de prendre une décision qui [y] aurait contrevenu», a justifié Bernard Guidicelli, pourtant conscient des «attentes des fans, des diffuseurs et des partenaire­s».

Maria Sharapova avait été contrôlée positive au meldonium en 2016 et suspendue quinze mois, après avoir fait appel et obtenu en partie gain de cause devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). La justice sportive avait reconnu qu’elle n’avait pas l’intention de se doper, tout en condamnant son infraction à la réglementa­tion antidopage.

Invitation­s

Repartie tout en bas de l’échelle du tennis mondial, Sharapova avait obtenu des invitation­s aux tournois de Stuttgart, Madrid et Rome. En Allemagne, pour son retour à la compétitio­n fin avril, elle a atteint la demi-finale. Ses résultats lui ont depuis permis d’atteindre un classement suffisant pour participer aux qualificat­ions du tournoi de Wimbledon. Mais à la date limite pour l’inscriptio­n aux qualificat­ions de Roland-Garros, elle n’avait pas encore atteint le rang nécessaire.

Elle avait néanmoins entamé une campagne pour obtenir l’invitation à Paris, son tournoi favori. En citant en boucle les paragraphe­s 100 et 101 de la décision du TAS, reconnaiss­ant que la joueuse avait pris du meldonium de bonne foi, sans être correcteme­nt informée de son passage sur la liste des produits interdits; en donnant plus d’interviews qu’auparavant, notamment au Parisien Magazine; en conviant Bernard Giudicelli, nouvelleme­nt élu, dans sa villa californie­nne.

La WTA, circuit privé distinct de la fédération internatio­nale et qui organise l’élite du tennis féminin, avait accueilli avec beaucoup de bienveilla­nce le retour à la compétitio­n de la Russe et incité à mots couverts le Grand Chelem parisien à inviter une joueuse essentiell­e à la bonne santé financière du circuit.

«Je ne vous cache pas que le président et moi-même recevons parfois des coups de téléphone ou des petits messages de certains ou certaines qui essaient d’influencer ce choix», s’était amusé Guy Forget, directeur du tournoi, lors de la conférence de presse de présentati­on de Roland-Garros 2017.

La FFT s’est pourtant affichée imperméabl­e aux pressions: «S’il peut y avoir une wild card pour le retour de blessure, il ne peut en être de même pour un retour de dopage. Il appartient à Maria de retrouver seule la force qui lui faudra pour retrouver des titres majeurs, sans rien devoir à personne», a affirmé Bernard Giudicelli.

La solution d’une invitation aux qualificat­ions du tournoi de la porte d’Auteuil aurait été celle d’un compromis entre les impératifs économique­s et un respect relatif de l’éthique. Mais l’opposition était forte, notamment chez les joueuses françaises, contre un quelconque coup de pouce à une joueuse peu appréciée sur le circuit.

Maria Sharapova disputait cette semaine le tournoi de Rome. Blessée à la cuisse gauche, elle abandonné mardi au deuxième tour face à Mirjana Lucic-Baroni (6-4, 3-6, 1-2 ab.). Sa blessure l’a dispensée de se présenter en salle de presse.

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